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Qui étaient nos ancêtres ?

Qui étaient nos ancêtres ?

Titel: Qui étaient nos ancêtres ? Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Louis Beaucarnot
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se vengera d’un affront en tendant un guet-apens à son adversaire, qu’il finira par castrer…
    Mais si la société est violente, cruelle et impitoyable, la justice l’est tout autant. On l’a vue, au Moyen Âge et encore parfois à la Renaissance, pratiquer volontiers la loi du talion, punissant le criminel par là où il avait péché, coupant une main au voleur, un pied au serf qui avait déguerpi, la langue au blasphémateur. Et si le sang se lave dans le sang, le satanisme conduit les sorciers dans les flammes. Notre jeune curé de Bourges, qui, sous la torture pratiquée à grand renfort de crics et de cordes, a avoué être l’assassin du vieux chanoine Abram, périra brûlé vif, en 1592, après avoir subi une dégradation publique, dont la sentence semble préférer taire les détails.
    De la même façon, les violences des dragons envoyés par Louis XIV pour éradiquer l’hérésie et bouter les parpaillots hors de France sont de nature, plus de quatre siècles après, à nous donner encore froid dans le dos. Les gens d’armes du petit-fils d’Henri IV, qui logent chez les huguenots, s’acquittent à la perfection de la mission qui leur a été confiée : ils brisent le mobilier, soumettent les habitants de la maison à la torture, violent les femmes, jusqu’à ce que ces « chiens » abjurent leur hérésie. Il est vrai qu’en parallèle, les soldats qui débarquent chez l’habitant munis d’un billet de logement n’hésitent pas à lui soustraire ses hardes et à le rançonner, le plus souvent par la violence…
    Les comportements observés sous la Révolution ne sauraient dès lors surprendre, aussi bien les têtes que la guillotine fait tomber par milliers que ces centaines de partisans du roi jetés à Nantes dans les eaux de la Loire sur l’ordre de Carrier. Aucune de ces scènes ne doit nous étonner, pas plus qu’elle n’a étonné nos ancêtres. Omniprésente, la violence est banalisée. Si Antoine Chrétien, en pleine Révolution, n’hésite pas à sauter le pas pour (chose inconcevable quelques années plus tôt) profaner les saintes huiles de l’église de Saint-Sernin-du-Bois, comment s’en étonner, lorsque l’on a vu des paroissiens administrer en toute conscience une punition ou une bastonnade à la statue d’un saint qui avait déçu leurs espérances… La Révolution – comme plus tard d’autres époques troublées – offrira évidemment aux plus lâches l’occasion de vider rancœurs, jalousies et différends.
    Terminons ce catalogue par un épisode corrézien, qui montrera combien ces violences ne sont nullement l’apanage des pauvres ou des gens modestes. Un beau jour de 1607, Pierre de Fénis, seigneur de Bach, du Teil et de la Prade, Urlan et Soularue, conseiller du roi et lieutenant général au sénéchal de Tulle, et de surcroît beau-frère d’un évêque de Carcassonne, est appelé par sa charge à instruire un procès contre un sieur Loyac de la Bachellerie, lequel s’était réfugié au château de Saint-Chamans, près d’Argentat. Pour s’acquitter de cette mission, Fénis se rend en ce château, où le maître et baron des lieux, François d’Hautefort, lui réserve un accueil à sa façon. Notre lieutenant général s’y voit insulté, bafoué, enfermé au salon, « rasé mi-partie », tandis que, devant lui, on coupe les quatre pieds de chacun des chevaux de son équipage, que l’on introduit à tour de rôle dans la pièce, tout en déclarant qu’on lui réservait un sort identique. On ne sait trop comment cela se serait terminé si des habitants de Tulle, informés de l’affaire, n’avaient décidé de marcher en nombre, de nuit, sur le château « dont, après bien du sang répandu, ils forcèrent les portes et délivrèrent » ledit conseiller. Celui-ci s’en fut immédiatement rendre compte de cet incident et de l’insulte au roi, qui donna à l’affaire la suite qu’elle méritait. Le baron d’Hautefort fut condamné à avoir la tête tranchée, et tous ses complices à être pendus. Le même arrêt ordonna que le château et les maisons lui appartenant « seroient razées et les bois dégradés », autrement dit étêtés à hauteur d’homme, en signe de déshonneur. Pierre de Fénis, remis de ses émotions, mourra quasi centenaire vers 1662, après avoir légué, par son testament de 1651, cent livres à l’hôtel-Dieu de Tulle et soixante livres pour la paille ou le charbon des détenus de la geôle de

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