Qui étaient nos ancêtres ?
puis au bâton et au couteau. À Aurillac, deux bourgeois s’attaquent à coups de bûches et les sœurs Cambrefort se battent à coups de pelle à feu…
En famille, la violence peut être extrême. Entre frères ou beaux-frères, entre enfants et parents ou beaux-parents, la loi du plus fort, la colère incontrôlée conduit parfois au crime. Les injures sont fréquentes, et comme elles sont presque toujours publiques, on en vient vite aux voies de fait. Dans le Gévaudan, où la violence est quotidienne, le meurtre n’est pas rare. Un matin de l’été 1877, c’est un gendre qui veut interdire à son beau-père, âgé de soixante-quinze ans – mais qui n’en part pas moins dès cinq heures du matin pour la foire de Mende –, d’y emporter du miel à vendre. La discussion est vive. Le ton monte. Le gendre saisit un énorme pilon à écraser les pommes de terre cuites destinées aux cochons et, au troisième coup, le crâne du vieillard est ouvert « sur quatorze centimètres ». En 1844, le curé de Lajo dénonce au procureur du roi la mort de Jeanne Barthélémy, veuve Brosseau, âgée de soixante-dix ans, femme « d’assez bonne constitution », qui fut victime d’une banale serrade, que lui ont infligée ses fils. Ce traitement, apparemment classique dans la région comme mode de résolution des différends familiaux, consiste à serrer une personne entre un mur et une porte, porte de maison ou plus souvent de grange.
Honneur et vengeance, accusations ou simples soupçons, honte et susceptibilité… Si le moindre larcin, la moindre injure et le moindre coup peut conduire nos ancêtres au procès, les honoraires des hommes de loi leur font généralement préférer les solutions plus brutales, la violence finissant par entraîner elle-même la violence.
Dans cette société hypersusceptible et fière, brutalité et violence rendent le crime très présent, particulièrement à l’égard de ceux qui exercent des professions ingrates. Au nombre de celles-ci, après le collecteur, le sergent ou l’huissier, il y a le douanier, comme celui que l’on voit, en 1605, lynché en pleine foire de Beaucaire par un groupe de femmes furieuses. Il y a le marchand, plus ou moins régisseur et usurier, tel Pierre Bidaut, marchand-fermier retrouvé noyé dans l’étang de Brandon, en Saône-et-Loire, en 1775. Ou le garde forestier, qui fait parfois chanter le miséreux qu’il a pris en flagrant délit de vol de bois, et que l’on retrouve, tel celui de Picareau, dans le Jura, bastonné et massacré en 1751.
À cette violence, personne ne saurait échapper, et aussi étonnant que cela puisse paraître, les curés en sont fréquemment les victimes. Si les paroissiens de Gretz-sur-Loing, furieux contre leur curé, se contentent de boycotter ses messes, certains prêtres seront carrément assaillis dans leur église, alors même qu’ils se préparent à célébrer leur office.
D’autres reçoivent des coups, comme, en 1662, Maurice Jac, prêtre de Trégourez, dans le Finistère, ou bien sont sauvagement assassinés, tel Gabriel Las Poussas, prêtre de Saint-Martin-Sepert, en Corrèze, retrouvé dans un bois un matin de décembre 1636, « occis de sept à huit coups de pierre sur la teste et de coups qui lui transperçaient le flanc et un dans le gozier et dans le ventre ». Citons encore le cas de Michel Abram, chanoine septuagénaire de l’église collégiale Saint-Martin de Bourges, assassiné et dépouillé de ses biens en 1592, par… Henri de Brancolis, autre prêtre et chanoine de la même église, âgé d’à peine vingt-cinq ans !
Le meurtrier ne prend même pas la peine de se cacher. Le Morvandiau Claude Moncharmont, que le garde champêtre Gauthey ne cesse de surveiller et, selon lui, d’importuner, fait un soir de novembre 1849 irruption dans la chaumière de son ennemi – qui est évidemment un peu son parent –, et alors que ce dernier lève à peine la tête de son bol de soupe, il le tue d’un coup de fusil à bout portant, devant sa femme et ses cinq enfants.
Non contents d’être violents, beaucoup le sont avec cruauté ou sadisme. À Foulletourte, dans le Maine, le maître de poste Louis Froger saisit en 1759 un tisonnier pour retirer du foyer des charbons ardents et en brûler un maçon du village voisin qu’il soupçonne d’avoir jeté un mauvais sort à sa femme. Plus horrible encore sera l’acte de ce cultivateur de Voie, près de Commercy, qui, au XIX e siècle,
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