Qui étaient nos ancêtres ?
cette ville, geôle qu’il avait sans doute, soit dit en passant, largement contribué à remplir. De son côté, Antoine Chrétien – juste punition divine – agonisera dans d’atroces douleurs aux pieds, pieds qui avaient scandaleusement foulé les saintes huiles répandues à terre.
Une sanction acceptée et impitoyable : le charivari
Mais la violence est non seulement subie, elle est souvent acceptée, en ce qu’elle est l’expression normale et consacrée de la désapprobation publique, la sanction inéluctable des comportements bafouant l’ordre établi, et dont ce « bizutage » qu’est le charivari est la forme la plus frappante.
Qu’un vieillard épouse une jeunesse, ou qu’un gars aille prendre une fille dans la paroisse voisine, c’est un sacré charivari. Car « mariage de jeune homme et de jeune fille est de bien, mariage de jeune homme et de vieille est de rien, et mariage de vieil homme et de jeune fille est du diable ». Qu’un mari se laisse battre ou tromper par sa femme – ce qui est pire –, c’est un terrible charivari.
« Mauvais cheval veut l’éperon, mauvaise femme veut le bâton », répète-t-on au mari qui a oublié que « le chapeau doit commander la coiffe ». À l’homme de se faire respecter. Dans la région de Bergerac, on lui permet même d’aller « jusqu’à effusion de sang », pourvu que ce soit bono zelo , c’est-à-dire dans la bonne intention de corriger l’épouse.
La communauté, la justice, l’Église : l’univers tout entier approuvera. La femme est par définition l’instrument du diable, elle n’a que ce qu’elle mérite, et le traitement n’a pas à être clément. « Qui bat sa femme avec un coussin croit lui faire du mal et ne lui fait rien. » Et un autre adage ajoute que « battre sa femme avec un sac de farine ; tout le bon s’en va et le mauvais reste ». On ne plaisante pas sur ce sujet, et cela d’autant moins, évidemment, que le comportement est toujours public…
La sanction de l’adultère procède du même principe. À Saint-André-des-Alpes, le soir de Pentecôte 1759, lorsqu’une femme reçoit son amant au domicile conjugal, c’est la communauté villageoise qui en informe le cocu, et qui s’arrange pour qu’il prenne les amants en flagrant délit. La femme parviendra à s’échapper par le toit, mais le mari trompé laissera l’amant sur le carreau.
La sanction ne saurait se faire attendre. Si le mari n’agit pas, la communauté se chargera de rétablir l’ordre à sa place. Mais ce n’est jamais à l’épouse « portant la culotte » que l’on s’en prend, pas plus, en fait, que l’on ne jette la pierre à la femme adultère. Dans toutes ces affaires c’est le mari qui est montré du doigt, c’est lui qui, parce qu’il n’a pas su se faire respecter et faire ainsi respecter l’ordre établi, doit être sanctionné. Il le sera publiquement par le charivari, aux formes diverses et variées, adaptées aux différents cas rencontrés en fonction de leur gravité.
Un couple mal assorti s’en tire avec un bon tapage nocturne assez folklorique. On choque des poêles à frire représentant les âmes des mariés. On brandit des tuyaux et des hérissons de ramoneur, en allusion évidente et crue au fait que la femme se fait indûment ramoner par un homme qui n’est pas le sien, à quoi l’on ajoute des bruits des clochettes évocateurs des testicules. Ce genre de vacarme s’arrête généralement lorsque le mari a payé à boire, façon comme une autre d’acquitter sa dette envers la société.
La farce est beaucoup moins drôle lorsqu’elle est destinée à l’homme battu ou trompé, en tous ces cas déshonoré. Dans les Pyrénées, du XVI e au XVIII e siècle, « on faict le charibari (sic) ordinairement de nuict, un bruit et tintamare d’instruments d’étain, sons éclatant de poêles, cimbales, trompètes, cornemuses, cornes, chauderons, quesses (casseroles). Et à la lueur des flambeaux allumés et haussés, hurlements de personnes et autres désordres et confusions, jointe des harangues à hautes voix…». « On y déclame, ajoute un autre, mille iniquités, calomnies, paroles indécentes, choquantes et atroces (…) et que la pudeur même empêche de nommer. » À Clermont-Dessus, dans le Lot-et-Garonne, les époux doivent parcourir la ville « à corps nus », la femme tirant son mari par une corde attachée à ses testicules, et en Languedoc, cette « course
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