Qui étaient nos ancêtres ?
les savetiers, et chez les pauvres, les sabots de bois, qui faciliteront la marche en terre humide, et qu’on peut aisément quitter avant d’entrer à la maison. Sabots ouvragés et vernis les jours de fêtes et de cérémonies, qui peuvent alors atteindre des prix assez élevés.
L’homme moyen se contente donc souvent, pour toutes « hardes et nippes », d’un certain nombre de chemises de chanvre, de chausses et de paires de bas. La garde-robe de Jacques Liégeois le dénonce-t-elle comme de condition supérieure, avec « six chemises de grosse toile de ménage et une de toile fine, un sarrot de toile de ménage, deux paires de culottes, trois paires de bas, “tant bons que moindre” », et surtout « trois justaucorps en serge et étamette, des camisoles (chemises courtes et sans manches, portées sous le justaucorps), quatre cravates de toiles fines et une paire de souliers » ? On remarquera toutefois le petit nombre d’exemplaires de chaque article : il n’est guère que les chemises, dont on change souvent, parce qu’imprégnées de sueur, qui y soient un peu nombreuses. Mais ne voit-on pas le curé Touraine, à Margency, tout pauvre qu’il soit, posséder pas moins de dix-huit chemises de chanvre, cinq paires de chaussures, cinq perruques et cinq calottes ? La garde-robe de notre notaire corrézien, Léonard Brugère (chez qui l’on note un « petit miroir »), comporte « un chapeau, deux mauvaises perruques, un habit de ratine, une veste de flanelle, un autre habit de ras de marot, un habit d’étoffe de pays, le tout à demy-usé », ainsi qu’« une paire de bottes molles et une paire de guettres d’étoffe de pays », et « un mauvais habit vert et culotte de cadis ».
Il est vrai que les inventaires après décès, qui nous renseignent sur ce plan, n’énumèrent souvent que des vêtements « mauvais » ou « à demy usés » comme ceux de Maître Brugère, et qu’ils peuvent également avoir été faits après que certains d’entre eux aient déjà été donnés et partagés ou que l’aîné des fils ait récupéré le précieux manteau paternel, sans oublier que le défunt emportait en général sur lui un change complet dans la tombe. Notons aussi que ces inventaires ouvrent des coffres encore bourrés d’aunes de toile, et surtout de dizaines de draps – beaucoup plus chez les gens aisés, comme ces soixante draps de lit entassés au XVIII e siècle dans les armoires du manoir auvergnat de La Tissonnière.
Peu à peu, on va pourtant voir émerger, à travers le vêtement, un souci de paraître, imité des classes supérieures, et se répandre un costume « du dimanche », inspiré du costume bourgeois et composé d’une veste et de bas de fil, en attendant de voir adopter, dans la seconde moitié du XIX e siècle, notre traditionnel costume, coupé à domicile par le tailleur les jours précédant le mariage, et destiné à être revêtu à chaque grande occasion, jusqu’à terminer sa carrière en habillant le cadavre exposé sur son lit de mort. S’y ajoutera le chapeau de feutre, acheté à la ville ou au colporteur de passage, et chargé de donner le change à la coiffe de la femme.
Quarante-deux coiffes et des kilos de jupons :
quand les strip-teases duraient des heures
L’émancipation de la femme du peuple, longtemps vêtue d’une simple robe, va nous la montrer multipliant ses dessous. Sous sa cotte, qui ressemblait fort à l’origine à celle de l’homme, elle a tout d’abord ajouté un cotillon , sorte de jupe de dessous, que l’on nomme dans certaines régions un blanchet , en référence à sa couleur, avant que de varier les pièces de vêtements, avec de vraies jupes (que l’on continue souvent à nommer cotillons), des chemises, en tous points similaires et tout aussi rêches que celles de son mari, chemises que la citadine et la paysanne endimanchées remplaceront par des « corps » – sortes de corsages-bustiers assez rigides, qui deviendront nos corsages –, parfois réduits à un corselet ou à un casaquin. Elles auront encore des brassières leur couvrant à la fois le buste et les bras, un devantier (notre tablier, nommé aussi parfois garde-robe ), qui existe à la fois en version de travail et en version habillée, et évidemment des bas.
En 1772, le trousseau de la paysanne Françoise Hudry-Cristoux, de La Clusaz, en Savoie, énumère ainsi « six habits complets dont deux de satin, un de flanelle, un de
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