Qui étaient nos ancêtres ?
établir leurs diagnostics faisait merveille. L’éther et l’eau qu’elle contenait étant séparés par leur différence de densité, ce flacon permettait de verser, au choix, l’une ou l’autre de ces substances sur la main du consultant et de rendre un diagnostic le déclarant ou non guéri en fonction de la rapidité ou de la lenteur de l’évaporation obtenue.
L’interminable liste des recettes de « bonne fame », dont on reparlera, faisait le reste et dans le pire des cas on en appelait au chirurgien, qui ne manquait pas de prescrire la saignée, thérapie souveraine et automatique qui a longtemps été la seule pratiquée.
Cette obsession de la saignée, le chirurgien la devait avant tout à ses origines professionnelles. N’était-il pas l’héritier du barbier, longtemps méprisé par les médecins du fait qu’au Moyen Âge ces derniers étaient issus des rangs des clercs, auxquels l’Église avait rigoureusement interdit de verser le sang. Une interdiction qui avait fait le bonheur du barbier, lequel avait assez tôt cumulé ces deux activités, cumul entériné par la loi. Peu à peu, les chirurgiens s’étaient pourtant efforcés de se démarquer de la « barberie », et l’on avait vu la vieille profession se scinder en plusieurs branches : celle des « barbiers barbant », à la fois coiffeurs et barbiers, d’où sortira ensuite la corporation des perruquiers ; celle des « barbiers-étuvistes », exploitant les établissements de bains, enfin celle des « barbiers-chirurgiens », appelés également « maîtres-opérateurs », profession officielle et reconnue, bien distincte de celle des « opérateurs » ambulants, francs charlatans quadrillant le territoire à la recherche de candidats aux coups de lancette. Les uns et les autres – faut-il le rappeler – ignoraient tout autant l’anesthésie que les désinfectants.
Au bon vieux temps des chaircuitiers
Comme le barbier et le chirurgien, bien des métiers ne sont plus ce qu’ils étaient à l’origine, et qui leur a valu les noms sous lesquels nous continuons à les désigner aujourd’hui, plusieurs siècles après. Pourtant, tous ces noms étaient initialement limpides, au point qu’il suffit de bien les observer, de bien les écouter, pour les laisser nous raconter l’histoire de ces professions…
Le cordouanier, avant d’être le fabricant et le réparateur de chaussures, et alors que nos ancêtres, lorsqu’ils n’allaient pas pieds nus, portaient des savates, des sabots, était à l’origine l’artisan travaillant le cuir de Cordoue.
Alors que l’ espicier avait le quasi-monopole des rares et chères épices, la plupart des métiers de « bouche » commençaient à peine à se dégager. Si le pain était cuit au four banal sous le contrôle du fournier, le boulanger n’apparaîtra que plus tard et devrait son nom au fait que ses premiers pains auraient eu la forme d’une boule. Parce qu’il saignait et abattait les bêtes, celui qui vendait de la viande a d’abord été appelé saigner ou massacrier, ou encore, d’après un mot latin, maiselier ou mazelier. Ce n’est que plus tard, et parce qu’il ne vendait quasiment pas de viande de bœuf, de mouton, de porc et moins encore de cheval, mais débitait essentiellement des rôtis et gigots de chèvre ou de bouc, qu’on l’appellera un boucher. Le saucissier, dont le nom était formé sur le mot « sault » (le sel), produisait à l’origine des salaisons, et, alors qu’on l’avait parfois appelé baconnier parce qu’il vendait notre lard et le bacon anglais, le chaircuitier ne pouvait quant à lui vendre que… de la chair cuite !
C’était le temps où les huissiers fabriquaient les « huis », autrement dit les portes (penser à nos « huis-clos », toutes portes fermées), où les parementiers produisaient des parements (de vêtements), où les droguistes vendaient des drogues, comme plus tard, les quincailliers vendront des objets « clinquant » ou « cliquant », c’est-à-dire faisant du bruit, et les patenôtriers des chapelets, permettant de réciter des Pater noster…
Autant de noms de métiers qui subsistent parfois aujourd’hui dans nos noms de famille.
Nos « barbiers-chirugiens » se rencontraient donc un peu partout. Voici Michel Aupetit, opérateur et chirurgien à Bourges, qui promet, en 1588, à un tailleur d’habits de sa ville « de le tailler et guérir d’un de ses génytoires
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