Qui étaient nos ancêtres ?
plus frappant sera celui de la famille Bachot, qui conservera la cure de Maynal, dans le Jura, de 1672 à 1774, soit durant plus d’un siècle, en s’y succédant d’oncles à neveux, tout en étant par ailleurs régulièrement frères ou fils d’avocats et de notaires.
Cette influence est d’autant plus solide que, dès la fin du XVII e siècle, le curé a été déclaré inamovible. Pour que ce dernier ait bien cure de ses ouailles, on estime en effet qu’il doit y avoir, entre lui et son église, comme « un mariage spirituel ». Mariage qui le conduira notamment, en 1789, a être bien souvent le rédacteur et même l’inspirateur des cahiers de doléances.
Ce curé, reconnaissable à sa soutane, son chapeau ou sa barrette (tirant son nom, comme le béret, d’une sorte d’étoffe de velours communément nommée la « birette ») se maintiendra au fil des temps, tout en se voyant confronté à la laïcisation républicaine, puis à la déchristianisation et à la crise des vocations, qui le rend aujourd’hui singulièrement absent de la vie quotidienne.
Mais le grand virage, ici, remonte naturellement à la Révolution.
Même si, avant 1789, bien des paroisses avaient des maires (parfois appelés « syndics » ou, dans le Sud, « consuls ») élus par leurs habitants, ceux-ci n’étaient investis que de pouvoirs limités, chargés notamment de surveiller les prix et les mesures ou de réglementer l’usage du four à pain. Ils étaient éventuellement secondés par un « clavier », autrefois détenteur des clés de la cité, et parfois d’un « escrivain », qui tenait lieu de secrétaire.
La Révolution, en systématisant la mairie, dota chaque commune d’institutions définitives, considérées par les « ci-devant » comme l’arsenal de Satan. Condamnés à cohabiter, curés et maires, tels don Camillo et Peponne, seront souvent comme chiens et chats. À tout le moins, la rivalité sera forte entre le ministre de Dieu et le représentant du peuple devenu l’interlocuteur de l’État. Elle sera même souvent impitoyable, et connaîtra son apogée lorsque Jules Ferry fera perdre à l’Église son emprise sur les jeunes pour envoyer dans chaque village son « hussard noir » : l’instituteur, presque toujours soumis à la mairie et prêt à se retrouver avec le maire pour « bouffer du curé ».
Longtemps, le maire appartient au milieu des nobles et des grands propriétaires, qui sont généralement les seuls à savoir écrire. Bénéficiant alors de l’appui inconditionnel du curé comme agent électoral, ils ont longtemps « tenu » les mairies, quitte à se les disputer entre eux. C’est le style du notable, qu’incarne en Brie Gilbert Martin-Clain, maire de Gesvres-le-Chapitre, en 1834, qui déclare dans ses Mémoires être avant tout « ennemi du désordre qui empoisonne la société » et qui n’hésite pas à débourser ses propres deniers pour financer les réparations de l’église. Ailleurs, là où aucun notable n’est présent ou intéressé par cette tâche, c’est généralement le plus instruit ou le plus disponible qui est investi de la fonction, sans pour autant être insensible à l’honneur et à la position qu’elle lui vaut : ce sont souvent des aubergistes et des maréchaux-ferrants, hommes presque illettrés, mais généralement établis au chef-lieu même de la commune. Ils nomment un garde champêtre pour représenter « la loi », qu’incarne au chef-lieu de canton et de façon plus officielle le gendarme, bien évidemment à cheval, tricorne sur la tête et sabre au côté. À l’échelon communal, le garde champêtre, homme-lige de la mairie, est pour elle ce que le sacristain est pour l’église – tout comme la bonne du curé trouve, côté mairie, sa réplique en la personne du secrétaire. Ce dernier rôle sera le plus souvent assuré par l’instituteur, qui va apporter au maire les moyens d’exister et de s’affranchir définitivement, notamment, de l’influence du curé.
Très différent du « recteur » ou du « maître d’école » d’Ancien Régime, si souvent en même temps sacristain, ou même de celui du temps de Guizot, on peut dire que l’instituteur laïc de Jules Ferry arrivera généralement au village avec autant de handicaps que le curé avait d’atouts. Rarement « enfant du pays », il ne représente pas Dieu, mais que la République, dont on se méfie encore, et a surtout le tort de
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