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Qui étaient nos ancêtres ?

Qui étaient nos ancêtres ?

Titel: Qui étaient nos ancêtres ? Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Louis Beaucarnot
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où il va traiter le plus clair de ses affaires, semble n’avoir jamais ressenti la nécessité de pousser jusqu’à Blois, à une vingtaine de kilomètres, ville nettement plus importante au plan administratif et économique. Si Vendôme est à trois lieues de chez lui, Blois, qui s’en trouve à sept, ne fait plus partie de son univers. Lorsqu’à cette époque Nanon Chapeau, qui craint que Louis Simon, dont elle est amoureuse, ne la demande pas en mariage, déclare qu’elle serait dans cette éventualité prête à aller à vingt lieues, elle entend par là « au bout du monde » !
    Pourtant, certains s’y risquent parfois… C’est justement à Blois que le sire de Gouberville a décidé de se rendre, en 1556, pour y briguer une charge auprès de l’administration royale. Ce voyage, qui l’entraîne deux mois hors de chez lui, lui coûte l’équivalent de 86 % de ses dépenses annuelles ordinaires. Avec 280 km pour l’aller, effectués en six jours, soit en moyenne 45 km par jour à un train de 6 km/h, ce périple paraît évidemment avoir été l’aventure de sa vie, même si tout au long de celui-ci notre sire ne semble montrer aucune curiosité pour les lieux ou les régions traversés. Comme si ce qui n’appartient pas à son univers immédiat lui restait foncièrement étranger…
    D’autres hommes partent ainsi pour des déplacements de plusieurs jours. En 1747, c’est le fermier charolais Émiland Matthieu qui décide d’aller vendre à pied ses bœufs à la foire de Poissy. Il mettra sept jours pour s’y rendre et enregistrera plusieurs pertes dans son troupeau… À la même époque, Annet Quittard, le chef de la communauté des Pinon, n’hésite pas à quitter sa ferme de la montagne de Thiers pour s’en aller, à pied, demander à l’ancien intendant d’Auvergne récemment muté à Paris de lui obtenir une ordonnance du roi limitant le montant de ses impôts. Un siècle plus tard, sous le Second Empire, c’est ce soldat bourbonnais en garnison à Rennes qui s’en va chez lui, à pied, lorsqu’on lui octroie une permission exceptionnelle de douze jours. Il compte les jours et les nuits, et, après six jours de marche, il rebrousse chemin, alors qu’il n’était qu’à vingt kilomètres du toit paternel…
    Mais aucun ne détient de record. À l’époque où Bordier ne dépasse guère un rayon de dix de nos kilomètres, Louis Simon, plus modeste et sédentaire, quittant son village du Maine, n’en accomplira pas moins, à l’âge de vingt-deux ans, un tour de France de trois mois le conduisant d’Angers à Cambrai, en passant par Rennes et Paris, avec des étapes de quarante à cinquante, voire quelquefois soixante-dix kilomètres par jour. Au XIX e siècle, on verra Agricole Perdiguier, le célèbre compagnon menuisier surnommé « Avigonnais-la-Vertu », effectuer, de 1824 à 1828, une grande boucle à travers le pays, qui le fera successivement passer par Béziers, Bordeaux, Nantes et Paris. Tout comme celle du serrurier Pierre Moreau, dix ans plus tard, de Château-Renault à Nantes, Toulouse, Marseille et Paris… En général limités aux villes du sud de Paris, « tout au long des fleuves de Loire, Haute-Seine, Saône et Rhône et Garonne », ces « tours de France » atteindront des milliers de kilomètres : jusqu’à 2 400 pour le compagnon menuisier Chovin, de Die !
    Tout comme Louis Simon et ces compagnons du tour de France, des milliers de migrants saisonniers sillonnent également les routes : étameurs auvergnats parcourant la Bourgogne, scieurs de long foréziens partant travailler dans les forêts bretonnes, galvachers morvandiaux gagnant la Champagne ou le Berry, peigneurs de chanvre du Bugey allant se louer en Lorraine, écôleurs du Queyras partant, l’hiver durant, faire l’école dans les villages provençaux… La majorité des forces vives des montagnes prend alors régulièrement le chemin de la plaine. Les colporteurs dauphinois s’en vont ainsi, portant à leur « col » leur lourde balle pleine à craquer de tout ce qu’ils peuvent vendre, quadrillant successivement la région lyonnaise, la Bresse, le Charolais et le Bourbonnais pour, leur balle une fois vide, aller jusqu’à Thiers refaire le plein d’articles de coutellerie, qu’ils vendront sur le chemin du retour. Des « fleuristes » de l’Oisans partent vendre leurs bulbes de plantes rares jusqu’en Europe centrale. Au printemps, les maçons marchois gagnent

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