Qui étaient nos ancêtres ?
fréquents. Quant aux seconds, ils proviennent des parentés spirituelles générées par le baptême, qui créait ipso facto des liens entre les parents du nouveau-né et ses parrain et marraine, comme entre ceux-ci et leur filleul(e) et encore entre ce même parrain et cette même marraine, que l’on dit entre eux compère et commère. Ces parentés sont d’autant plus ressenties que l’Église, non contente d’interdire les mariages entre cousins par le sang, ramenés il est vrai à partir de 1215 au niveau plus raisonnable et plus gérable du quatrième degré (avec des mariés ayant alors leurs grands-parents cousins germains), interdit également les unions entre alliés aux mêmes degrés, comme entre filleul et marraine, entre le père et la marraine d’un même enfant, enfin entre un « compère » et sa « commère ». Il ne manque plus, finalement, que les voisins, répartis en fait à la fois dans la communauté paroissiale ou communale, lorsqu’ils n’appartiennent pas, plus ou moins inévitablement, à l’un de nos cercles de la parenté.
Mais les familles sont d’autant plus nombreuses que nos ancêtres avaient très tôt pris l’habitude, non seulement de se regrouper dans des fermes et des hameaux, mais aussi de vivre sous un même toit. Certains historiens ont estimé que cette tendance avait été encouragée et renforcée, à la fin du Moyen Âge, par la fameuse « mainmorte » obligeant les héritiers du manant à payer au seigneur un lourd droit de succession. À cela, nos ancêtres auraient trouvé une parade en vivant au sein de communautés qui, considérées juridiquement comme des entités, avaient substitué au tenancier, personne physique, le groupe familial en perpétuelle continuation. Quoi qu’il en soit, dans la plupart des régions, les familles ont eu longtemps l’habitude de cohabiter, entre le ménage des parents et celui ou ceux des enfants, vivant dans le cadre de ce que l’on avait coutume d’appeler les « communautés taisibles ». Un mode de vie qui pouvait d’ailleurs s’observer également en ville, où bien des familles d’artisans, à l’instar de leurs cousins des campagnes, vivaient selon la belle formule consacrée « à même pot et même feu ».
Ces modes de vie ont souvent perduré, dans nos campagnes, jusqu’à la fin des années 60, soit jusqu’à ce que les retraites de la Sécurité sociale, les aides à l’aménagement des logements et, d’une façon ou d’une autre, le progrès et la télévision fassent ressentir le besoin de séparer les générations et en apportent les moyens.
« Vivre à même pain et même feu »
On les appelait parfois frèrêches ou affrètements, mais le plus souvent communautés taisibles, c’est-à-dire tacites, parce que leurs membres n’y avaient guère que le droit… de se taire.
Nées d’un mode de vie quasiment généralisé – celui de la famille dite large ou « moléculaire », par opposition à notre famille conjugale réduite à son noyau de base et dite « nucléaire » –, ces communautés, qui en étaient la forme extrême, ont été longtemps très répandues dans le Centre, en Auvergne et au sud de la Bourgogne, au point d’être systématiques en Bourbonnais et dans les régions périphériques.
Il s’agissait de familles nombreuses, fortement structurées et hiérarchisées, où la vie tout entière était minutieusement et autoritairement réglée. Elles rassemblaient des frères et leurs parents, parfois des cousins, souvent appelés communiers ou parsonniers (c’est-à-dire « partageants »), qui étaient soumis à un maître nommé ou élu, seul détenteur du pouvoir économique et parfois secondé d’une maîtresse. Lors des contrats de mariage, une clause précisait que le futur époux irait faire sa résidence dans la maison du beau-père, où il devrait travailler et vivre « en communion » et selon la formule consacrée « à même pot et même feu » ou « à même pain et même pot… », ajoutant parfois le « même sel », tant cette denrée était alors rare et chère.
Pour éviter tout morcellement des biens fonciers, on avait pris l’habitude d’organiser des mariages au sein même de la communauté ou d’effectuer des échanges matrimoniaux croisés avec une communauté voisine. Ainsi, chez les Ferrier, à Escoutoux, dans l’Allier, on relève, en 1609, trois mariages célébrés le même jour entre communiers , quatre
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