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Qui étaient nos ancêtres ?

Qui étaient nos ancêtres ?

Titel: Qui étaient nos ancêtres ? Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Louis Beaucarnot
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c’était l’hôpital ou le curé qui lui choisissait une identité, volontiers arbitraire et fantaisiste, mais finalement sans grande conséquence du fait que la grande majorité de ces enfants ne parvenait pas à l’âge adulte. À la fin du XVIII e siècle, à Paris, si leur nombre est énorme (7 600 par an en 1770 !), 90 % décèdent avant leur premier anniversaire, surtout en hiver, principalement victimes des conditions dans lesquelles ils ont été abandonnés…
    L’enfant né de parents inconnus ou abandonné, nommé au Moyen Âge et à la Renaissance Trouvé, Sauvé, Champi, reçoit aux XVII e et XVIII e siècles les appellations les plus fantaisistes. Voici Marie Desbarreaux, passée à travers les barreaux de l’hospice d’Autun, le 24 messidor an V (juillet 1797) ; Georges TXL, ainsi nommé, à Caudebec-lès-Elbeuf, du fait de langes marqués des initiales « TL » séparées par un tiret brodé en forme de croix de Saint-André ; Lucie Bagarre, trouvée, à Paris, en 1893, pendant les émeutes du Quartier Latin, ou les initiales FTN (Fut Trouvé Nu), rencontrées à Épinal. La plupart s’en sortaient heureusement avec pour nom le prénom du saint du jour, sans que cela permette pour autant de conclure que qui porte un prénom pour nom de famille descend automatiquement d’un enfant abandonné. Le cas reste, en proportion, rarissime.
    « L’estranger », on l’a dit, inquiète et dérange. Non seulement il n’a pas le même langage, mais on ignore tout de son environnement, c’est-à-dire de ses groupes d’appartenance (famille, profession, hameau) et donc de la place qui est la sienne. Le simple fait qu’il les ait quittés suffit à le rendre suspect. Quitter sa place et son univers, aller affronter l’extérieur qui sera forcément hostile, sont autant de démarches que l’on répugne tellement à faire et qui semblent à ce point « contre nature » que l’on a du mal à croire qu’elles puissent répondre à de bonnes intentions.
    Géographiquement, l’étranger commence à la paroisse et au bourg voisins. Est étranger qui n’appartient pas à l’un des groupes auxquels on appartient soi-même ou qui ont droit de cité dans l’environnement immédiat. Et tout étranger est unanimement mis à l’écart, aussi bien dans les relations quotidiennes que dans celles du travail, lorsqu’il cherche un emploi. C’est un peu comme s’il devait accomplir un temps de purgatoire, sauf que ce temps va souvent durer une génération. Étranger, de ce fait, va souvent rimer avec pauvre. Un décret d’août 1701 n’affirme-t-il pas qu’est pauvre « celuy qui n’a ny profession, ny métier, ny domicile certain, ny lieu pour subsister et qui n’est avoué et ne peut faire certifier de ses bonnes vies et mœurs par personne digne de foy ».
    Ni trop près, ni trop loin : endogamie et solidarité
    L’étranger, même s’il n’est pas pauvre et qu’il a un métier, même s’il a un domicile et peut produire un certificat de baptême, n’a aucune chance de se marier dans les familles autochtones. La famille récemment installée en un lieu a du mal à se trouver des gendres et des brus. Pierre Durand, qui, en 1698, quitte avec ses frères et sœurs son village du Gâtinais pour aller exercer son métier de charpentier à Châteaudun, une petite ville de Beauce située à peine à 50 kilomètres, ne trouvera pas de Dunoise à épouser. Comme tout nouvel arrivant dans une communauté, on le verra épouser la fille d’une autre famille d’implantation récente, fille d’un charpentier, et il faudra attendre plusieurs générations pour voir ses descendants s’allier enfin aux anciennes familles de la cité.
    Méfiants à l’égard des étrangers, nos ancêtres ont de toute façon une horreur obsessionnelle des mariages hétérogènes et n’entendent se marier que dans leur milieu. Non seulement dans leur milieu géographique (autrefois seigneurie, puis paroisse) mais encore dans leur milieu social (un artisan épouse la fille d’un artisan), dans leur milieu professionnel (dans le dernier exemple, entre enfants de charpentiers). À Haveluy, dans le Nord, les fils des gros laboureurs, que l’on nomme des cerisiers , ne sauraient épouser que des filles de censiers, comme le valet de charrue la fille d’un autre valet de charrue. À Paris, sur cinq générations, les descendants de Léger Deligny, maître rôtisseur-traiteur à l’enseigne du Soleil d’Or, rue

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