Qui étaient nos ancêtres ?
de s’en acquitter.
L’assemblée est évidemment uniquement masculine : les chefs de famille doivent nommer six collecteurs, choisis parmi les hommes de moins de soixante-dix ans, non infirmes, pères de moins de huit enfants, n’exerçant pas de fonction publique telle que notaire, sacristain ou maître d’école, et n’ayant pas déjà été chargés de cette collecte au cours d’une des trois années précédentes. On pourrait imaginer que la tâche est recherchée : en fait, on va le voir, elle est tout sauf un honneur et une sinécure.
Au préalable, le pouvoir central avait commencé par répartir l’impôt entre les différentes provinces et états. Il avait ainsi, cette année-là, porté à 119 340 livres la contribution de l’élection de Pontoise à l’effort fiscal national, laissant aux responsables du bureau de ladite élection le soin de définir à leur tour la quote-part de chaque paroisse. Ces derniers avaient donc fixé celle de Cormeilles à la somme de 4 680 livres, une somme rondelette que l’on appréciera mieux à la lumière des faits qui vont suivre.
L’annonce de cette donnée n’est pas de nature à encourager les vocations. Les collecteurs sont en effet responsables de la bonne rentrée de l’impôt, et dans le cas où ils ne pourraient pas faire rentrer la somme fixée, il se verront comptables des manques sur leurs deniers et biens personnels, qui pourront être saisis et eux-mêmes se voir tout simplement emprisonnés ! On ne saurait s’étonner, dès lors, du manque d’enthousiasme général. À Condorcet, en 1669, où l’on fait crier : « Qui veut cueillir nos tailles ? », personne ne se présente, et c’est Martin Bernard qui va accepter de s’en charger pour la troisième année consécutive, à condition que l’on fasse « crier » – c’est-à-dire publier – que ceux qui ne paieront pas avant telle date auront une amende d’un sol par livre, soit un réchaud (un supplément) de 5 %.
En cette année 1692, à Cormeilles, la situation se présente d’autant plus mal que l’année précédente a été calamiteuse au plan agricole : la nielle, une plante parasite, a rendu la paille noire et les grains petits et laids. Mais c’est le lot général de la région et les autorités n’ont pu se permettre d’en tenir compte ; il faut bien que l’impôt rentre… Seul un certain François Taureau, un des collecteurs de l’année précédente, a su convaincre l’intendant de fixer sa cote à cinq sols (une misère), « à cause de l’incendie qui lui est arrivé ».
Six hommes sont donc désignés. Il s’agit de François Lepic, un hôtelier marchand de bois, homme riche qui, l’année précédente avait été imposé à hauteur de quarante livres (soit, en gros, l’équivalent de deux mois de salaire d’un bon journalier), de Jean Pohier, laboureur aisé qui avait payé trente livres, et de quatre manouvriers pauvres, vivant du travail de leurs bras (imposés quant à eux respectivement deux à hauteur de dix livres, un pour sept et l’autre, plus modeste encore, pour la somme de trois livres cinq sols).
Leur première tâche est de ventiler le somme totale entre les contribuables, au prorata des possibilités matérielles de chacun, ce que font sans doute ceux qui le peuvent, deux d’entre eux, il faut le souligner, sont incapables de signer et ne savent sans doute pas lire. Ils procèdent certainement à la lumière du rôle de l’année passée, dont ils doivent cependant retirer les imposés défunts ou ayant quitté la paroisse, pour y ajouter les nouveaux venus. Pour quatre rayés, comme la veuve Quentin, partie « pour chercher sa vie », 9 sont ajoutés, ce qui porte à 209 le nombre des feux imposables dans la paroisse. De ces 209, ils en retirent 5, qui sont exemptés selon les principes énoncés : le curé, son vicaire et un certain Léonor Rollepot, à la fois chantre et instituteur, ainsi que deux personnes ayant pu prouver leur naissance noble qui les en faisait exempter. De ce fait, si la somme exigée a augmenté de près de 3 % par rapport à l’année précédente, alors que les affaires avaient été mauvaises, elle est par ailleurs « hypothéquée » de 200 livres, qui doivent être remboursées à l’un des deux nobles qui les avait indûment payées l’année dernière, faute d’avoir pu prouver son exemption.
Injuste ? Non, logique ! Levée essentiellement pour le financement des
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