Qui étaient nos ancêtres ?
guerres, la taille n’avait aucune raison de peser sur la noblesse, dont le métier était justement de faire la guerre, ni sur le clergé, dont la vocation était au contraire de ne pas la faire. En fait, cet impôt, en un temps où l’armée était une armée de métier, composée de mercenaires, équivalait à une sorte de rachat de l’obligation militaire, qui aurait dû logiquement peser sur nos ancêtres du tiers état.
Nos six hommes doivent donc prendre l’argent là où il est. Ils ne peuvent qu’augmenter la cote des plus aisés : Antoine Caffin, le plus gros fermier du village, qui exploite en fermage environs 80 hectares, sur lesquels il engraisse 300 moutons, 10 vaches et 10 cochons, voit son impôt augmenté de 20 % (passant de 500 à 600 livres) ; le laboureur André Sevestre, fermier des 40 hectares de la ferme du château, et qui en possède 4 ou 5 en propre, ainsi que 120 moutons, 6 vaches et 6 cochons, voit le sien faire un bond de 30 % (passant de 200 à 260 livres). Un autre laboureur, qui exerce parallèlement les métiers de greffier et d’arpenteur, connaît le même sort, avec 140 livres au lieu de 110, etc. De bas en haut de l’échelle sociale, les cotes des paroissiens de Cormeilles sont retaillées à la même aune. Un blatier (marchand de blé) paiera 47 livres au lieu de 40, un tonnelier 38 au lieu de 30. Nos six prud’hommes s’efforcent en revanche d’épargner les pauvres, allant même jusqu’à exempter les plus démunis.
Reste leur « salaire », la rémunération du temps qu’il passeront à aller quérir l’impôt de ferme en ferme, temps qui sera pour chacun d’eux un temps mort, et donc un manque à gagner. La question est prévue : ils reçoivent une indemnité, qu’ils fixent librement eux-mêmes et arrêtent à 117 livres, soit moins de 20 par personne, sans oublier de compter 58 livres et 10 sols pour le greffier des rôles (un office créé par le roi et dont la rémunération équivaut donc en fait à une taxe détournée). Une fois l’impôt réparti, ils doivent en effet faire contrôler le rôle obtenu par l’élection, ce qui est fait le 17 décembre, jour où le conseiller du roi, lieutenant civil et criminel de l’élection de Pontoise, rend ledit rôle exécutoire. La collecte peut commencer.
L’opération promet d’être longue. Dans un premier temps, les collecteurs attendent chaque dimanche matin les imposés au pied de la croix du cimetière. Rares sont ceux qui viennent au rendez-vous ; encore ne versent-ils le plus souvent que des acomptes. Rapidement, on prend du retard et l’on n’a d’autre solution que d’aller réclamer le solde sur place, ce que nos hommes font toujours ensemble, sachant qu’ils risquent fort d’être mal reçus, injuriés, sinon plus.
Le 23 avril 1693, François Lepic, « collecteur porte-bourse » marchant en tête, ils arrivent ainsi à la ferme du château, chez André Sevestre, lequel n’ayant versé qu’un acompte de 65 livres en doit donc encore 195. Le dernier délai, fixé au 1 er avril, est passé de trois semaines. Pour les raisons que l’on sait, les collecteurs ne peuvent fléchir… Rapidement, le ton monte. « Ledit Sevestre, sa femme, son père et sa servante les auraient traités de fripons, de bougres, de jean-foutres et banqueroutiers et plusieurs autres injures. » Rien ne va plus. Les collecteurs s’en vont en saisissant deux vaches, attachées dans la cour de la ferme. Voyant cela, Sevestre leur court après, suivi de toute sa maison. Tous réitèrent leurs injures ; Sevestre « aurait pris ledit Lepic à la gorge, l’aurait jeté à terre, traîné dans l’eau et dans la boue, donné des coups de pied et de poing, arraché plusieurs poignées de ses cheveux, et souillé dans l’eau et la boue le rôle des tailles, qu’il lui aurait ôté de force ». Et Sevestre, évidemment, de regagner sa maison avec ses vaches…
La justice est saisie, pendant que le tribunal de l’élection recevra aussi une requête d’Antoine Caffin, qui réussira à faire réduire son impôt de 600 à 380 livres. Apparemment, tout le monde s’en sortira, mais l’affaire semble avoir duré longtemps. Cet exemple est en tout cas parfaitement représentatif : il était rarissime que la taille puisse rentrer en moins d’un an. Sans doute huissiers et sergents étaient-ils intervenus, aux frais de l’élection et des manquants, à l’encontre de ces taillables « de difficile
Weitere Kostenlose Bücher