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Qui étaient nos ancêtres ?

Qui étaient nos ancêtres ?

Titel: Qui étaient nos ancêtres ? Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Louis Beaucarnot
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que pour celle de son défunt mari, demande deux messes quotidiennes à l’autel Notre-Dame en sa paroisse, deux autres à l’autel Saint-Claude, en l’église Saint-Martial où est inhumé ledit mari, ainsi que deux, toujours quotidiennes, dans les chapelles de deux des couvents de la ville. Le tout à perpétuité…
    Tout cela a un coût : si le paysan aisé qu’est Pierre Le Bastard laisse à ses héritiers des créances, à hauteur de cinquante-six livres, ce sont trente-six livres qui en seront détournées pour financer les deux messes annuelles pour le salut de son âme. Notre nonagénaire bourgeoise, qui est nettement plus riche et a peut-être aussi beaucoup plus péché, en pensée, en paroles, par action et par omission, n’hésite pas, quant à elle, à y consacrer plus de mille deux cents livres.
    À cela s’ajoutent encore volontiers des legs pieux. La dame Gallicher – encore elle – a dans un précédent testament (elle n’en rédigea pas moins de treize au fil de sa longue vie terrestre) déjà légué cinquante livres à chacun des cinq couvents des ordres mendiants de sa ville (Cordeliers, Récollets, Augustins, Jacobins et Carmes), soixante livres au curé de sa paroisse, pour les pauvres malades et nécessiteux, trente livres à celui d’une autre pour effectuer des réparations dans une chapelle, et cent livres pour les pauvres de l’Hôpital soit quatre cents livres. Après ces gestes de piété et de charité, elle pensera à sa servante, qu’elle gratifiera de soixante livres ; à son vigneron, à qui elle en léguera cinquante, avant de penser à ses neveux et petits-neveux, entre lesquels, il est vrai, il lui reste à partager la somme de dix mille livres !
    Toutes ces listes – aussi bien celles des saints invoqués que celles des légataires institués – plus qu’elles nous permettent, pour les humbles, d’évaluer leurs fortunes, nous offrent la possibilité d’en approcher les mentalités. On reste souvent surpris, en effet, devant le décalage existant entre les sommes données à Dieu et celles des legs profanes consentis, tout à la fin de l’acte, en faveur d’un filleul, d’une servante ou d’une nièce, alors même que, bien souvent, le défunt n’a rien indiqué quant au partage que devront faire ses enfants.
    À la limite, après le salut de son âme, la chose qui l’inquiète le plus sera le sort de son enveloppe charnelle, appelée, il le sait, à redevenir poussière. Il lui consacrera volontiers quelques lignes terminales, précisant comment il veut être inhumé. Beaucoup prennent soin de préciser le lieu où ils veulent que leur corps repose en paix, et Peirounet Marty veut ainsi que « le jour de sa sépulture soient allumées trois entorches ».
    Ce souci et le choix énoncé risquent d’étonner : jusqu’au milieu du XVIII e siècle, les gens importants veulent tous être inhumés dans l’église, sous les dalles, comme en témoignent encore tant de pierres tombales, dont les épitaphes sont généralement devenues illisibles. En fait, ils cherchent à avoir la meilleure place. Entendez par là – et dans la parfaite logique de tout ce que nous avons vu – que nos ancêtres cherchent à profiter au maximum de tous les bienfaits de la dynamique religieuse. Reposer dans l’église, c’est être plus près de l’autel où s’accomplit le mystère de la transmutation, plus près des statues des saints, qui intercèdent pour les morts et pour les vivants ; plus près des fidèles enfin, qui font à tout moment monter leurs prières vers le ciel.
    De ce fait toute une hiérarchie est ressentie entre les différents lieux de l’église, comme entre les divers périmètres qui l’entourent. Faute de pouvoir être inhumé dans l’église, on cherche à l’être sous le porche. Même chose dans l’enceinte du cimetière, en fonction de l’éloignement séparant de la croix centrale, le « carré herbeux » non bénit étant toujours aménagé tout au fond et derrière l’église. Et comme toute hiérarchie, celle-ci a son prix, que le curé et son sacristain savent parfaitement gérer et tarifer, tout comme ils savent le foire pour la location des places et des bancs. Certes, la lecture des Béatitudes de saint Matthieu le rappelle régulièrement : « Heureux les affligés, ils seront consolés », mais le seront-ils pourtant aussi vite et aussi bien selon qu’ils se trouveront au-dehors ou au-dedans de la maison de

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