Qui étaient nos ancêtres ?
l’habitude de jouer avec les consonances des mots, disant : Corbleu , Palsambleu, Ventrebleu. Morgué ou Morguenne invoquaient la mort de Dieu et Jarnibleu signifiait « Je renie Dieu » . Voilà pourquoi on remplaça Dieu par quantité de mots, pour jurer « Nom de bleu », « Bon Nom », « Nom de Nom », « Vain Nom » ou « Nom d’un petit bonhomme » ; pourquoi, dans certains patois, on émaillait les propos de « Bon Diou » ou de « mon Vieux », et pourquoi on dit « Pardi » pour « de par Dieu ».
Allant plus loin, on ne jurait pas davantage par l’hostie, faisant parfois crier « Hostie polluée ! », comme le font encore parfois nos cousins du Québec. Au lieu de dire « sacrée hostie », on préférait dire « sacristie » ou encore… « sapristi ».
Autant de règles que l’on avait tout intérêt à respecter, puisqu’au XVI e siècle qui blasphémait était puni par là où il avait péché : on lui coupait la langue.
Le pain à table ne doit pas être tourné à l’envers, ni les couverts croisés, ce qui évoquerait la croix du Christ. À force de vouloir prévenir et éviter le malheur, la superstition s’est installée partout, multipliant talismans et amulettes. La femme enceinte en porte sur elle, comme le conscrit craignant de tirer un mauvais numéro et le soldat lorsqu’il part au front. Le bon sorcier, le rebouteux, est volontiers sollicité. On ne sait trop quelles prières il récite, mais pour sûr, lui, il les récite bel et bien à l’endroit.
Chats noirs, échelles et vendredi 13
Ne pas offrir un couteau, ne pas être treize à table, ne pas suivre le chemin coupé par un chat noir, ne pas passer sous une échelle… : jusqu’au fameux « vendredi 13 », on n’en finirait pas d’énumérer les superstitions que nos ancêtres nous ont léguées et dont le sens nous échappe souvent.
Pourtant, à l’origine, tout est toujours très simple. Contraints par leur ignorance à s’en remettre aux pratiques divinatoires, nos ancêtres s’interdisaient tout acte relatif à ce qui les terrorisait. C’est d’abord la mort et ce qui l’évoque, à commencer par le couteau. Et c’est plus encore la mort du Christ, associée à la croix, à la journée du vendredi, au chiffre 13, du fait que treize personnes avaient participé à la Cène, quitte à ce que ces superstitions se conjuguent et se superposent.
Ainsi, à l’horreur du vendredi, qui retient certains de tout geste engageant l’avenir (inauguration quelconque, à commencer par le changement de chemise, qui rappelle le suaire du Christ, ou toute coupure, que ce soit celle des cheveux, de la barbe ou des ongles, dont la croissance est associée à la vie), s’ajoute la réputation du chiffre 13 pour faire craindre alors plus que tout les fameux vendredis 13.
Le chiffre 13 était autrefois universellement ressenti comme particulier. Déjà, l’Ancien Testament dénombrait dans la Kabbale treize esprits du mal, et c’était le treizième chapitre du livre de l’Apocalypse qui annonçait les pires calamités. Le treizième d’un groupe était, dans l’Antiquité, considéré comme le plus puissant et le plus sublime. Chez les Grecs et les Latins, Zeus-Jupiter régnait sur les douze grandes divinités de l’Olympe, et Jésus, treizième convive, sera finalement sublimé par sa mort sur la croix…
Mais depuis la Cène, ce chiffre n’inspire que crainte et frayeur. Bien des hôtels préfèrent ne pas avoir de chambre 13 ; en Amérique, on passe souvent du douzième au quatorzième étage, et dans les rues de Paris, le n o 13 a souvent laissé sa place à un plus rassurant 11 bis.
Autre cumul, le chat noir qui coupe votre chemin, réunit trois éléments négatifs : le noir est la couleur des forces des ténèbres et donc du mal (autrefois les Africains ont automatiquement été associés au mal), le chat lui-même, imprévisible et soupçonné de ce fait de duplicité et de perfidie, et enfin la route coupée, symbole de l’interruption de la vie.
Reste le coup de l’échelle, obscur et contesté, qui s’expliquerait par l’échelle adossée à la croix du Christ, pour l’en descendre, ou par celle que l’on appuyait à la potence pour en décrocher les pendus, avec de toute façon le risque, en passant trop près, que celui qui y était vous dégringole dessus !
« Dieu me le fasse beau » : naïfs, sages ou passifs ?
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