Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Raimond le Cathare

Raimond le Cathare

Titel: Raimond le Cathare Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Dominique Baudis
Vom Netzwerk:
voulant pas perdre leur part, se précipitent comme une nuée de sauterelles
sur les victuailles entassées. Ils laissent les cavaliers du Comte roux aux
prises avec les soldats de Montfort.
    Nous avons perdu l’avantage du
nombre. En un instant, les nôtres sont décimés. La bataille est perdue. Les
survivants s’enfuient au galop, pourchassés par les Français. Sur le coteau,
les milliers de Toulousains massés devant les planches de la lice, après avoir
crié de joie en voyant Simon de Montfort cerné par les lances de nos hommes,
courent maintenant se réfugier derrière les palissades. Le comte de Foix et les
rescapés arrivent ventre à terre, poursuivis par Simon de Montfort, Bouchard de
Marly et les chevaliers français.
    Dans le camp, la panique sévit
Savaric de Mauléon, juché sur une barrique, hurle ses ordres :
    — Ne fuyez pas ! Ils vous
attaqueront sur la route. Restez dans le camp !
    Les gens courent en tous sens.
Certains s’étalent de tout leur long, les pieds pris dans les cordes des tentes
qui s’effondrent dans un désordre général.
    Simon de Montfort et les siens
caracolent au bord de notre fossé. Il veut nous massacrer.
    — En avant, messeigneurs !
    Son compagnon le retient.
    — Nos chevaliers ont fait une
belle besogne. Laissez-les retrouver des forces. Nous reviendrons demain
bûcheronner avec ardeur ces mécréants.
    Et ils s’en retournent
tranquillement dépouiller les cadavres avant d’aller entendre la messe à
Castelnaudary.
     
    Le jour suivant, dès l’aube, nous
abandonnons notre camp après avoir incendié les machines. Je rentre à Toulouse
à la tête des miens. Les autres corps de l’armée partent vers leurs contrées
respectives derrière leurs seigneurs, pleurant les amis perdus au combat. Nous
versons aussi des larmes amères sur notre défaite. À cause de quelques jambons,
tout notre pays mobilisé autour de sa noblesse et de sa chevalerie a été
honteusement tenu en échec par moins de deux cents guerriers.
    Les Français avaient un seul chef.
Face à lui, nous n’avons jamais su faire notre unité. Raimond Roger de Foix,
Bernard de Comminges, Gaston de Béarn, Savaric de Mauléon, Hugues
d’Alfaro : chacun suivait sa stratégie ou son instinct, lançait des ordres
contradictoires, entraînant ou retenant les siens sans tenir compte de ce
qu’entreprenaient les autres. Quant à moi, je suis resté immobile, à la tête
d’une armée inerte.
    Composée d’une foule indisciplinée
et inexpérimentée, elle était encombrée de femmes et d’enfants. Les hommes en
âge de se battre ont suivi de loin les péripéties du combat, en spectateurs
d’une gigantesque joute, attendant la victoire pour courir détrousser les
cadavres. Jamais ils ne se sont aventurés pour prêter main-forte aux
combattants. Quand il aurait fallu jeter toutes nos forces dans la mêlée, ils
se sont réfugiés à l’abri de nos murs de planches.
    Mais, quoi qu’il en soit, cet échec
est mon fait. L’arrière-petit-fils de Raimond de Saint-Gilles est non seulement
un piètre combattant mais un chef de guerre calamiteux. J’en ai honte.
     
    *
* *
     
    Notre lamentable défaite n’a
cependant pas été totale. Nous avons réussi à faire croire, partout dans le
pays, que nous avions gagné. Avant de lever le camp, nous avons lancé sur
toutes les routes nos coursiers les plus rapides, munis de messages triomphaux.
« Nous l’avons capturé », « nous l’avons écorché vif »,
« nous l’avons pendu. ». Montfort a connu tous les supplices dans nos
lettres envoyées vers le Quercy, l’Albigeois ou l’Agenais. Et on nous a
crus ! Comment aurait-on pu douter de la victoire de notre immense armée
de plus de dix mille hommes face à deux cents chevaliers ennemis ?
    Aussitôt les villes se révoltent et
massacrent les petites garnisons qui les occupent. Pour Simon de Montfort et
les siens, toute la conquête est à refaire. Mais il ne manque plus de forces
pour reprendre l’offensive. Dans les semaines qui suivent notre désastre de
Castelnaudary, les renforts affluent. Alain de Roucy puis Robert Mauvoisin le
rejoignent avec plusieurs centaines de chevaliers. À la fête de Noël 1211, son
propre frère, Guy de Montfort, débarque du bateau qui le ramène de Terre
sainte. Il est accompagné de sa femme et de leur fils Philippe. La famille de
l’envahisseur commence à prendre racine dans nos terres. Son fils Amaury a été
fait chevalier à Carcassonne.

Weitere Kostenlose Bücher