Raimond le Cathare
finir grâce à une offensive de masse. Craignant un
désastre, je leur avais rigoureusement interdit de le faire. Ils n’en ont tenu
aucun compte.
Ce ne sont donc plus de petites
compagnies de quelques dizaines de cavaliers qui sortent de la lice. C’est une
véritable armée dont les quatre cents chevaux au galop se déploient pour
charger le camp de l’armée du Nord. L’heure est bien choisie. Passé midi, les
soldats de Simon de Montfort mangent ou somnolent à l’ombre des tentes pour
reprendre des forces. Étant donné la chaleur insoutenable, la plupart ont
défait leurs pièces d’armure et déposé cottes de mailles et hauberts.
Alertés par le grondement de la
charge toulousaine, les soldats ennemis, dans un désordre général, se
précipitent sur leurs épées. Nos cavaliers sont déjà dans le camp qu’ils
dévastent, jetant des torches sur les tentes qui s’enflamment aussitôt. Des
milliers d’hommes courent en tous sens pour tenter de se regrouper. Ils
subissent de lourdes pertes. Eustache de Caux, l’un des plus grands seigneurs,
est transpercé d’un coup de lance.
S’étant abattues avec la soudaineté
et la violence d’une tempête, nos forces se retirent aussi vite qu’elles
étaient venues, sur un ordre d’Hugues d’Alfaro, qui ne laisse pas à l’ennemi le
temps de se ressaisir et de lancer une contre-attaque. Quelques instants plus
tard, nos cavaliers franchissent les portes de Toulouse sous les ovations du
peuple.
*
* *
Le lendemain, dans une immense clameur
de joie, la ville salue le départ de l’armée de Simon de Montfort. En regardant
l’ennemi vaincu repartir vers Carcassonne, je serre sur mon cœur Hugues
d’Alfaro, qui nous a sauvés en sachant négliger mes instructions. Je le
félicite de ne pas m’avoir écouté. Guillemette rayonne en regardant avec
tendresse son valeureux époux. Ma fille est à l’image de Toulouse aujourd’hui.
Heureuse et fière.
Toute la soirée, la Cité et le Bourg
retentissent des chants et des tires de la fête. Dans les rues et sur les
places, le peuple tout entier fait éclater son allégresse dans la chaleur de
cette nuit d’été.
Au château Narbonnais, nous buvons
joyeusement. Les chevaliers racontent leurs exploits. Les seigneurs se
congratulent. Passé minuit, je les laisse à leurs libations pour remonter dans
ma chambre rejoindre Éléonore. Elle pleure.
— Messire Raimond,
pardonnez-moi, mon cœur est plein de joie, mais mon esprit n’est pas en paix.
— Le mien non plus. Ce que tu
penses, je le pense aussi : ils reviendront.
Et pour
quelques jambons…
Castelnaudary, septembre 1211
Pour épancher sa rage d’avoir été
tenu en échec, Simon de Montfort dévaste d’immenses territoires, du sud au nord
de notre pays. Tout l’été, nous recevons les récits détaillés de ses exactions.
Mais son armée est à nouveau réduite à de faibles effectifs. Après le siège de
Toulouse, les comtes de Chalon et de Bar sont repartis sous les huées de leurs
compagnons.
— Ils ne sont plus qu’une
poignée. Nous devons les attaquer avant l’arrivée des renforts, me répète chaque
jour Raimond Roger de Foix.
Mes vassaux n’ont pas quitté
Toulouse. La ville est toujours surpeuplée de réfugiés et de soldats. Nous
pouvons lever des milliers d’hommes, alors que l’ennemi ne peut aligner plus de
cent cavaliers. Je dois admettre que ma prudence, lors du siège de Toulouse,
aurait pu nous coûter la victoire. Le Comte toux et Hugues d’Alfaro, ont eu
raison d’opérer une sortie en masse.
— Nous agirons de la même
manière mais sur une plus vaste échelle. Avec cinq cents cavaliers, nous avons
balayé leur camp. Avec dix mille hommes, nous prendrons Carcassonne.
Ils finissent par me convaincre. Des
courriers sont dépêchés dans toutes nos provinces. Bientôt des foules de
combattants venus de toutes les montagnes et de toutes les villes du pays se
rangent sous nos bannières.
*
* *
Au début du mois de septembre,
chevauchant aux côtés du comte de Comminges, du comte de Foix, du vicomte de
Béarn, du sénéchal du roi d’Angleterre, je franchis les douves pour sortir de
la ville. Une immense armée nous suit : chevaliers, sergents d’armes et
arbalétriers ouvrent la marche Derrière eux, un peuple innombrable armé de
fourches, de couteaux et de haches avance en rangs serrés. Le cortège est suivi
par des chariots de provisions sur lesquels sont juchés des
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