Raimond le Cathare
fourches et
de faux.
Bertrand a également surpris une
conversation entre quelques chevaliers français. Elle lui a révélé qu’un vif
désaccord oppose les plus grands seigneurs à Simon de Montfort et Arnaud
Amaury.
— Le comte de Bar et le comte
de Chalon désapprouvent ouvertement l’attaque contre Toulouse. Ils proclament
haut et fort tout le mal qu’ils pensent du légat. Leurs chevaliers m’ont dit
qu’ils partiraient dès la fin de leur quarantaine, sans demeurer un jour de
plus.
Je reprends confiance.
— Une armée mal nourrie et dont
les chefs sont divisés n’est pas invincible. Toulouse regorge de vivres. Chaque
jour, des bateaux viennent décharger leur cargaison sur les quais des ports de
la Garonne. Laissons donc le temps faire son œuvre.
Comme d’habitude, Hugues d’Alfaro
est d’un autre avis.
— Ne restons pas derrière nos
murs, nous devons les harceler chaque jour, sans leur laisser le moindre répit.
— Mais sans prendre, non plus,
des risques inconsidérés.
Âgé de plus de cinquante-cinq ans et
conscient de l’inutilité de ma présence sur le champ de bataille où je n’ai
donné ni reçu le moindre coup d’épée, j’observerai dorénavant les combats posté
sut le chemin de ronde.
*
* *
Le lendemain, le comte de Foix est à
la tête de la première offensive lancée dès le lever du soleil. Les Français
sont commandés par le comte de Bar et le comte de Chalon.
Depuis le sommet crénelé de la tour
du Midi, je peux suivre le déroulement des attaques. En bas, derrière les
grandes palissades de planches, nos cavaliers manœuvrent à l’abri des ennemis.
Ils se regroupent et sortent brusquement de la lice pour charger. À dix minutes
de marche, se déploient les toiles du camp de Simon de Montfort.
Autour de la ville, les prairies,
les vergers, les petits hameaux de fragiles masures, tout est champ de
batailles furieuses. Les engagements ne durent que quelques minutes mais ils
sont d’une violence extrême. Les chocs des masses et des épées contre les écus
résonnent au milieu du fracas des cavalcades. Les cris des hommes se mêlent aux
hennissements des chevaux blessés. L’épée haute, les cavaliers s’affrontent.
Des piétons, la lance brandie à deux mains, enfoncent le pennon entre les
couvertures épaisses des destriers et percent la panse de l’animal. La
poussière soulevée par les sabots des montures nous dissimule le combat dont on
devine l’acharnement plus qu’on ne peut en suivre le déroulement. Lorsque la
mêlée se défait et que retombe la poussière, des corps gisent en tous sens.
Revêtus de leur casaque armoriée, ils forment autant de taches de couleur sur
l’herbe verte. Certains bougent encore.
Déjà, d’autres échauffourées
éclatent ici ou là dans la campagne environnante. De nouveaux groupes de
chevaliers constitués en rangs serrés derrière la lice de planches s’élancent
autour d’Hugues d’Alfaro. Dans leur chevauchée vers l’adversaire, ils croisent
ceux qui rentrent pour ramener des blessés et refaire leurs forces avant le
prochain assaut.
Les Français s’efforcent de convoyer
des troncs d’arbre, des branchages, des madriers, et tout ce qu’ils ont pu
arracher alentour, pour tenter de combler nos douves. Larges, généreusement
alimentées par l’eau de la Garonne, elles courent au pied de notre rempart dont
elles interdisent l’approche.
Le poids du chargement ralentit la
marche des chariots exposés aux sorties fulgurantes de nos défenseurs qui
fondent sur eux, bride abattue et torche brandie pour les incendier. Dix, puis
bientôt vingt colonnes de fumée s’élèvent au-dessus des amas calcinés autour
desquels les hommes se sont battus.
Posté au créneau à mes côtés,
Raimond le Jeune vibre de tout son être. Son âme et son cœur sont dans la
bataille. Seul son âge l’empêche d’y participer. Les combats ne cessent qu’au
crépuscule, laissant plus de cent morts dans chaque camp.
La nuit est hantée par les cris des
mourants laissés sur le champ. Chaque heure qui passe, leurs appels se font
plus faibles. À l’aube, le silence est revenu.
Dès les premiers rayons, la plaine
résonne à nouveau du fracas des armes et des cris de guerre. Il en sera ainsi
chaque jour, durant toute la décade jusqu’au 27 juin.
Ce jour-là, au mépris de mes ordres
les plus formels, Hugues d’Alfaro et le comte de Foix jettent toutes nos forces
sur l’ennemi. Ils veulent en
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