Raimond le Cathare
d’Aragon parait être devenu un fils rebelle. Il se vante
d’obtenir vos bonnes grâces et la restitution des terres saisies au comte et à
ses complices, hérétiques, routiers, sacrilèges, homicides coupables de toutes
sortes de crimes. »
Le concile supplie le pape de
laisser l’armée de Montfort poursuivre sa conquête : « Pour le salut
de nos âmes et la sauvegarde des églises qui nous ont été confiées, nous
implorons instamment Votre Miséricorde, nous l’adjurons par les entrailles de
la miséricorde de Dieu de bien vouloir parachever l’œuvre vitale de libération
que vous avez déjà, pour une très grande part, menée à bien. »
Les évêques et les légats exigent
enfin la destruction de Toulouse : « Il faut porter la cognée à la
racine de l’arbre empoisonné et l’abattre à jamais pour qu’il ne nuise pas
davantage. »
Après m’avoir persécuté, ils veulent
que mon fils Raimond soit, lui aussi, banni : « Si la terre enlevée
aux tyrans était restituée à leurs héritiers, ce serait un scandale pour les
fidèles et une menace immense qui pèserait sur l’Église et le clergé. »
L’évêque Foulques, que j’ai fait
chasser de la ville il y a dix-huit mois, demande à tous les dignitaires
ecclésiastiques d’adresser au pape des messages d’indignation. Arnaud Amaury
oriente leur rédaction de telle sorte que tout le clergé proclame une même
exigence : poursuivre la guerre.
L’évêque de Bordeaux, celui de
Bazas, de Périgueux, de Béziers envoient vers Rome des lettres qui font de
Toulouse une ville diabolique : « Une grande sentine d’erreurs et
de vices où se concentre l’ordure des déchets de toute la dépravation
hérétique. Si elle n’est pas détruite de fond en comble, si elle n’est pas
complètement rasée, les générations de vipères, les ventrées de bâtards vont à
nouveau pulluler. Si le comte de Toulouse et son fils relevaient leur épée, ce
serait pour nous la mettre aussitôt sur la gorge . »
L’archevêque d’Arles, l’abbé de
Saint-Gilles, les évêques d’Uzès, d’Avignon, de Nîmes, de Carpentras se
joignent à ce concert d’imprécations contre « la très putride cité de
Toulouse, avec toutes les infectes et dégoûtantes ordures qui se sont
retrouvées dans le ventre gonflé de la vipère ».
Les prélats de Provence lancent au
pape un avertissement : « Si on ne détruit pas Toulouse comme on
coupe un membre pourri, elle infectera les parties saines. »
Simon de Montfort, lui, ne dit rien.
Il se contente d’envoyer au pape le trésor accumulé depuis le début de ses
conquêtes. Mille marcs d’argent empilés dans des coffres ferrés et solidement
escortés sont convoyés vers Rome avec les courriers et les rapports rédigés par
les évêques. Ce butin pèse, en métal précieux, le poids d’un veau de belle
taille. Le moine comptable qui ouvre les coffres sous les yeux éblouis
d’Innocent III promet de nouvelles livraisons pour peu qu’on laisse Simon
de Montfort poursuivre son œuvre.
*
* *
Dans la balance du Saint-Père, les
appels des prélats et l’argent de Montfort vont peser plus lourd que son
affection pour Pierre d’Aragon. Les financiers du Saint-Siège comptent le trésor.
Ils calculent les rentrées que l’on peut espérer pour les prochaines années.
Les cardinaux les plus influents, alertés par leurs amis des diocèses de
Provence et du comté de Toulouse, viennent supplier le pape de revenir sur ses
décisions. Ils finissent par le persuader que le roi d’Aragon lui a menti en
affirmant que nos terres étaient purgées de l’hérésie. Les spéculations des
comptables achèvent de le convaincre.
Alors qu’il avait ordonné l’arrêt de
la croisade en janvier, Innocent III décide en avril de la relancer. Il
écrit au roi d’Aragon une lettre sévère : « Que le Seigneur te
fasse accueillir avec une piété toute filiale les réprimandes que nous
t’adressons. Qu’il te fasse obéir à nos avertissements et accepter notre
correction apostolique. Il ne fait aucun doute que tu as failli par tes
actions. Tu as manqué à la déférence que tu nous dois . »
Le souverain, ajoute le Saint-Père,
a commis le péché de vouloir protéger Toulouse, ses sœurs et sa famille.
« Les habitants de Toulouse sont retranchés du corps de l’Église par
l’excommunication. Leur ville est mise en interdit, parce que plusieurs sont
hérétiques manifestes,
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