Raimond le Cathare
coups. Alors Montfort s’écrie :
« Mettons le feu partout ! » Aussitôt les brandons et les
torches s’allument.
Sur les conseils de Foulques, c’est
Joutxaigues, le quartier des prêteurs et des juifs, que l’on incendie d’abord.
Pendant que le peuple lutte contre la propagation des flammes, les troupes
d’invasion tentent de se regrouper autour de l’évêché et de la cathédrale. Une
colonne de chevaliers avance par la place Sainte-Scarbes et une autre charge
par la rue Croix-Baragnon. Combattant pied à pied, jetant par les fenêtres
rondins de bois et huile bouillante, les habitants résistent de toutes leurs
forces. Les Français, dont les chevaux se prennent dans les planches des
barricades, sont assaillis de toutes parts. Les premiers arrivent sur le parvis
de Saint-Étienne, qui devient aussitôt champ de bataille, bientôt jonché
d’hommes et de chevaux morts.
Après s’être acharné jusqu’à la nuit
tombante, Montfort ordonne le repli des Croisés sur le château Narbonnais.
Brûlant de rage, il ordonne d’extraire des cachots les otages capturés le
matin.
— Je vous ferai trancher la
tête et vos cadavres seront précipités du haut de ces remparts.
Foulques l’entraîne à l’écart pour
le calmer.
— Tentons d’amadouer le peuple.
Laissez-moi faire.
Toute la nuit, l’évêque écrit des
lettres que des clercs vont porter dans les maisons les plus respectées.
Dispensant paroles de miel et douces promesses, il supplie les chefs des
grandes familles d’observer une trêve. Il leur demande de recevoir les
émissaires de paix qu’il leur enverra dès le lendemain matin en la Maison
commune.
*
* *
Dans la salle du chapitre des
consuls capitouliers, le public est nombreux. Artisans, chevaliers, bourgeois
se marchent sur les pieds pour apercevoir ou entendre les envoyés de Foulques.
L’abbé de Saint-Sernin est assisté de maître Robert, un homme de loi passé au
service de Montfort. Ils s’efforcent d’apaiser et de rassurer les Toulousains.
— L’évêque qui nous a délégués
devant votre assemblée pleure sur vos malheurs. Cette nuit il a tant fait qu’il
a fléchi Montfort qui s’était d’abord courroucé de voir Monseigneur prendre
fait et cause pour vous. Mais un accord est désormais possible. Il ne dépend
plus que de vous. Rendez-vous. Vous n’y perdrez rien. Ni vos vies, ni vos
maisons ni vos fortunes, rien ne vous sera pris. Montfort n’est pas de ces
nobles qui contraignent les gens. Il vous veut libres. D’ailleurs celui qui le
souhaiterait pourra quitter la ville sans aucun empêchement.
— L’abbé, répond un capitoul,
vos discours patelins nous font froid dans le dos. Ni Foulques ni Montfort
n’ont jamais tenu la moindre promesse. Le comte est trop teigneux, trop griffu,
trop rageur pour que nous puissions croire à vos ronronnements.
Le public approuve bruyamment.
L’abbé de Saint-Sernin insiste :
— Réfléchissez. Si l’Église
vous prend sous sa protection, Montfort ne peut rien contre vous. À la moindre
injustice, au premier emportement, nous le punirions.
Main droite sur le cœur, le juriste,
maître Robert, proclame :
— Le comte de Montfort vous
sait loyaux et bons. Il ne veut pas vous voir dans la peine.
Après une hésitation, il nuance son
propos :
— À vrai dire, un seul coupable
ici excite sa colère. C’est un noble de haut rang que vous connaissez tous.
Aymeri de Castelnau, le chef de la
conjuration qui prépare mon retour, s’est déjà levé.
— Je suis cet homme-là !
Mieux vaut que je quitte Toulouse avec quelques amis. J’y suis prêt. Signez-moi
un sauf-conduit et je m’en vais sur l’heure.
Maître Robert écrit aussitôt
quelques lignes sut un parchemin qu’il tend à Aymeri de Castelnau, lui glissant
à l’oreille :
— Faites vite. Montfort vous
déteste.
Le consul empoche le papier et
quitte la salle, suivi de ses compagnons. Quelques instants plus tard, ils
sortent de la ville et prennent au galop la route de Barcelone pour venir me
rejoindre.
Les pires rumeurs courent les rues.
La foule se presse autour de la Maison commune. Elle exige de participer aux
débats. Les envoyés de l’évêque et les consuls décident de se transporter en un
lieu ouvert sur le pré Villeneuve. Jouant des coudes et du bâton, les hommes de
la milice urbaine leur fraient un passage dans les rues au milieu de la
bousculade. Ils passent la porte qui ouvre sur un vaste champ
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