Raimond le Cathare
normalement cinq jours de voyage. L’humiliation subie
est si cuisante qu’il ne veut pas perdre un instant pour la faire payer aux
Toulousains.
Apprenant cela, j’ordonne à mon
escorte de rebrousser chemin vers Barcelone.
Il est déjà trop tard ou encore trop
tôt.
Une tentative d’incursion sera vouée
à l’échec si Montfort et ses forces sont dans la ville. Il faut attendre qu’il
reparte. Il ne manquera pas de le faire un jour ou l’autre pour tenter de
reprendre la Provence ou d’annexer quelques territoires pyrénéens. Mais
auparavant il assouvira sa vengeance sur Toulouse et ses habitants. Il sait que
la ville a fourni des renforts à l’armée provençale de Raimond le Jeune et
qu’un groupe influent s’active autour des consuls et d’Aymeri de Castelnau pour
préparer mon retour. Le pape et le roi lui ayant donné le comté et sa capitale,
il s’apprête à châtier les révoltés, les récalcitrants et les indociles comme
des traîtres.
À ma demande, l’Anonyme a quitté la
Provence. Il a rasé sa barbe noire pour être méconnaissable et que nul ne
puisse identifier celui qui m’accompagnait au concile du Latran. Il se glisse
dans la ville pour observer les événements et m’en tenir informé. Dès qu’une
chronique est prête, un homme acquis à notre cause la glisse dans son pourpoint
et chevauche vers Barcelone.
Toulouse, août 1216
La tête de l’armée de Montfort s’est
immobilisée sur la crête d’où l’on découvre la ville dans sa totalité : la
cité dominée par le clocher de la cathédrale Saint-Étienne, le bourg édifié
autour de la basilique Saint-Sernin, et de l’autre côté de la Garonne, sur la
rive gauche du fleuve, le faubourg Saint-Cyprien.
Le tyran s’emporte aussitôt.
— J’avais ordonné que les
défenses soient détruites de fond en comble, et que vois-je ? Ici, un
fossé qui n’est pas comblé, là, un mur toujours debout, là-bas, une tour
crénelée qui n’a pas été démantelée. Près de la moitié des portes subsistent.
— Messire mon frère, intervient
Guy, vos ordres sont appliqués, mais il est impossible d’anéantir en deux ans
ce qui a été édifié en dix siècles. D’autant que les habitants ne se fatiguent
guère pour accomplir cette besogne. Au contraire, ils feignent de ruiner un mur
quand nous les surveillons ; dès que nous tournons le dos, ils le
renforcent.
Une délégation sortie de la ville
chemine vers les chefs de la croisade. Montés sur des chevaux ou sur des mules,
les émissaires sont désarmés. Ils arborent en revanche l’apparat des vêtements
de leurs fonctions. Rouge et noir des consuls capitouliers, emblèmes des
nombreux corps de métier, tuniques pourpres des officiers de justice. Le
cortège parcourt lentement le chemin qui mène au faîte de la colline. Par leurs
vêtements civils et la lenteur de leur allure, les émissaires signifient
clairement que leur démarche est pacifique. Revêtus de leurs pièces d’armure et
de leur cotte de mailles, la lance au poing, les chevaliers français restent en
selle, dominant ceux qui viennent humblement mettre pied à terre devant eux.
Les Toulousains s’inclinent
respectueusement et feignent l’étonnement qu’exprime un consul :
— Nous sommes surpris de vous
voir arriver bannières déployées et fers brandis. Voulez-vous donc, sire comte,
piller votre propre cité ? Qu’avons-nous fait pour mériter votre
hostilité ? Vous avez promis la paix et la tranquillité. À votre air
belliqueux vous ne semblez pas vouloir tenir parole. Vous arrivez comme un lion
furieux.
Un marchand de drap établi dans le
bourg s’avance vers Montfort la main sur le cœur.
— Nous n’avons qu’un
désir : vous contenter. Laissez votre heaume et votre haubert Entrez chez
nous en pourpoint doré, couronné de guirlandes. Tout le monde vous saluera sur
votre palefroi.
Simon de Montfort crache aux pieds
de son interlocuteur.
— Cette ville est à moi !
J’y viens comme il me plaît. Vous m’avez fait grand tort. Vos amis m’ont volé
Beaucaire et la Provence, le comtat Venaissin et le Valentinois. En un mois
j’ai reçu plus de vingt messagers qui tous m’ont rapporté vos sordides
traîtrises. Je sais que vous avez bassement manœuvré pour que le vieux Raimond
revienne à Toulouse et m’en chasse. Je poserai mes armes quand vous m’aurez
livré vos plus riches bourgeois que je prendrai en otages.
Les prospères citoyens
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