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Requiem pour Yves Saint Laurent

Requiem pour Yves Saint Laurent

Titel: Requiem pour Yves Saint Laurent Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Benaïm
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étroit patio de verdure, entre la forêt de bambous et la collection de palmiers, le Mémorial se tient sous la forme d’un cube de pierre ocre, un pot de fleurs à chaque angle. « Silence. » Un autre panneau plus petit, met en garde le visiteur. Silence ! Dans ce mot, j’entends la voix de Pierre Bergé, avant le défilé d’Yves Saint Laurent. Conçu par Madison Cox, l’architecte paysager, le socle est hérissé d’une colonne romaine, un vestige retrouvé dans la Villa Mabrouka de Tanger. Sur le fronton, la plaque de marbre blanche, « Yves Saint Laurent, couturier français… », m’évoque un pansement d’immortalité. Les cendres ont finalement été dispersées à la louche de bois par les proches, dans la roseraie du couturier. Il y a deux bancs de part et d’autre, mais personne ne s’éternise. Le flash argenté des Panasonic nargue le soleil.
Le grand lion dort. Yves Saint Laurent est là, je le ressens partout.

    Avec lui, Marrakech demeure un rêve orientaliste que des Français à la sensibilité de dandys ont façonné depuis les années soixante-dix, là, dans ce « resort » qu’ils ne reconnaissent plus, mais dont ils sont, les derniers guides esthètes. Ils ont aimé à la folie Village People et la Callas, là où les autres, les nouveaux, kiffent en écoutant David Guetta sur leur tapis Technogym. Ces Français avaient découvert Marrakech à travers Loti, dont Pierre Bergé a fait relier les œuvres complètes sous des couvertures de serpent. Ce sont eux qui vont chercher les artisans, pour leur donner à illuminer des nappes de lin de fil d’or, leur faire construire des fontaines de féerie, ou ciseler finement le cèdre, autant de trésors de savoir-faire en voie de disparition, éclipsés par les paniers grossièrement brodés, les montagnes de babouches made in China et les lanternes de fer forgé des souks. Ils sont les derniers témoins de cet aquarius age .

    Yves Saint Laurent est là, dans cette boutique, où les djellabas en liberty créés par Fadila el-Gadi, les stylos-billes enroulés de fils de couleur, les babouches aux mille et une fleurs chantent un refrain familier et neuf. Je me promène dans ce dédale de verdure admirablement entretenu. Soixante-sept personnes y travaillent à temps plein désormais. Une salle de prière a été aménagée sous les canisses pour le personnel. Depuis 2009, le jardin a été juridiquement rattaché à la Fondation. Les entrées, le café et la boutique autofinancent le fonctionnement.

    Sous les orangers, je commande un « thé bleu oriental Princesse ». Dans ce café Majorelle aux chaises de fer émaillé, je me sens plus à Marrakech que dans les gros fauteuils néo-mauresques de ces palaces griffés aux puissants parfums d’ambiance, et dont la liste n’en finit pas de grandir, plus haute que les Washingtonias de la Villa Oasis : Banyan Tree, Beachcomber, Obero, Four Seasons, Noura Barrière...

    Le musée d’art berbère est en rénovation. Il doit accueillir une exposition sur « Yves Saint Laurent et le Maroc ». Au-dessus du café Majorelle, Pierre Bergé s’est fait aménager un petit appartement, qu’on appelle « La Péniche ». Il ne l’habite plus, car depuis la mort d’Yves Saint Laurent, il a réintégré la Villa Oasis, où des travaux d’aménagement sont en cours, comme la création d’un ascenseur. La chambre du couturier disparu est devenue la sienne. Toute la cinémathèque YSL défile devant mes yeux. Entre Soudain l’été dernier , et La Mort aux Trousses , me voici à l’intérieur d’un mirage, les personnages reviennent un à un, inchangés, malgré le temps, fidèles des fidèles du clan. C’est Quito Fierro, qui préside aux destinées du lieu, Bernard Sanz, directeur artistique de la boutique, ou Madison Cox, artiste paysager, le fidèle complice de Pierre Bergé. De tous les trois, c’est le plus beau, le plus vigoureux, celui dont le nom, autant que les cheveux blonds, le regard bleu acier, finement cerclé de lunettes d’écaille, vous donnent immédiatement envie de vous redresser.

    Yves Saint Laurent ne voulait rien changer, il refusait d’entreprendre toute forme de rénovation. C’est à Madison Cox 12 que revient le magistral lifting végétal du lieu : subtil agencement de bassins rectangulaires, remplacement du gazon trop assoiffé par du gravier rose, plus écologique, tapis de micro-pierres roses sur lesquelles surgissent des dizaines de cactus de

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