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Requiem sous le Rialto

Requiem sous le Rialto

Titel: Requiem sous le Rialto Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Nicolas Remin
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la console. Il resta quelques instants les yeux rivés sur son illustre ancêtre.
    De retour à sa place, il dit :
    — Personne n’a exercé de chantage sur nous, commissaire, du moins pour le moment. Mais nous savons que, par un malheureux hasard, l’homme dont il est ici question a eu vent de nos fréquentations.
    Après un soupir, il ajouta :
    — Vous connaissez notre secrétaire particulier ?
    — M. Sorelli est parent avec la princesse de Montalcino.
    Le comte de Chambord prit un air désolé.
    — Sorelli sort presque tous les soirs. Et il a découpé les articles de la Gazzetta sur les récents crimes.
    — Si c’est tout, cela ne fait pas grand-chose.
    — Non, ce n’est pas tout. Avez-vous remarqué la bague à son doigt ?
    — Oui, une chevalière en or.
    — Cette bague, expliqua le comte en jetant un regard à sa propre chevalière, représente un écureuil et une couronne. Elle provient de ses ancêtres du côté de sa mère, nous pensons tous deux qu’elle date de la première moitié du XV e  siècle.
    — Un joyau, donc.
    Le comte acquiesça.
    — Néanmoins, ce n’est pas la seule raison pour laquelle elle est précieuse.
    — De quoi parlez-vous ?
    — De l’écureuil et la couronne. Ces armoiries appartiennent en effet à la famille de Montmorency-Laval, une des premières familles de France à l’époque.
    — Je ne suis pas sûr de suivre Sa Majesté.
    — Cette chevalière, déclara le comte, a sans doute appartenu à un maréchal de France, pendu et brûlé sur le bûcher au mois d’octobre 1440, à la suite d’un procès retentissant.
    Il considéra son hôte.
    — Connaissez-vous le château de Tiffauges ? En Vendée ?
    Tron secoua la tête.
    — Sa femme Catherine de Thouars le lui avait apporté en dot vingt ans auparavant.
    Après quelques secondes de silence, il continua :
    — Ce maréchal de France a été condamné à mort pour avoir violé, torturé et tué plus d’une centaine de garçons et de filles.
    Soudain, Tron comprit de qui il s’agissait. Même son nom lui revint à l’esprit.
    — Sa Majesté veut-elle parler de… Gilles de Rais ?
    Il avait le sentiment qu’un abîme s’ouvrait devant lui.
    — Barbe-Bleue ?
    Le comte de Chambord acquiesça.
    — M. Sorelli porte la chevalière de Barbe-Bleue ?
    — Cela nous en a tout l’air.
    — Et que prouve cette bague ?
    — La chevalière et les escapades nocturnes de M. Sorelli ne prouvent rien en soi, concéda le prétendant au trône avant de se lever. Mais nous disposons à présent d’autres éléments.
    — À quels éléments Sa Majesté fait-elle allusion ?
    — Il vaut mieux que vous l’appreniez de la bouche d’un autre.
    — Qui donc ?
    — Une personne qui se trouve justement dans la chambre de M. Sorelli, dit le maître de maison en se dirigeant vers la porte. Suivez-moi, commissaire.

48
    Ils quittèrent le salon de Louis XIV, traversèrent le vestibule et montèrent l’escalier sans un mot. Le comte ne semblant pas disposé à lui délivrer plus d’informations, Tron ne lui posa pas d’autre question. Un sergent de chasseurs croates montait la garde sur le palier. En les voyant arriver, il salua, puis se recula. Le comte de Chambord s’arrêta pour laisser entrer le commissaire.
    La chambre était plus grande que Tron ne s’y attendait. Un bureau se dressait devant une des deux fenêtres, qui donnaient sur le rio dell’Orso ; à gauche, un lit et une armoire cachaient une partie du mur ; à droite, un fauteuil était placé devant une table ovale, recouverte d’une pile de livres. Près du lit se tenaient un deuxième sergent et… le colonel Stumm von Bordwehr. À l’évidence, celui-ci devait être en train de dicter quelque chose, car son subalterne tenait un carnet dans une main et un crayon dans l’autre. Quand il aperçut le nouveau venu, le colonel resta bouche bée. Tron n’eut pas l’impression qu’il fût ravi de le voir.
    — Vous passiez par hasard, commissaire ? Ou les dernières nouvelles sont-elles déjà remontées jusqu’à vous ?
    Le militaire avait déjà repris contenance. Il sortit son étui à cigarettes et ajouta sur un ton plus diplomatique :
    — Je vous aurais bien entendu mis au courant dès aujourd’hui.
    — Que s’est-il passé ? Où est M. Sorelli ?
    — Nous l’avons arrêté, répondit le colonel tout de go.
    — Pour quelle raison ?
    — Parce que M. Sorelli dissimulait manifestement

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