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Requiem sous le Rialto

Requiem sous le Rialto

Titel: Requiem sous le Rialto Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Nicolas Remin
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d’un travail efficace faute d’une certaine distance par rapport aux événements ? Ou la preuve qu’il ferait bien de se retirer des affaires criminelles parce qu’il lui manquait désormais l’engagement nécessaire ? Il n’aurait su le dire, mais quoi qu’il en soit, le moment était malvenu pour réfléchir à cette question. Brusquement, il se rappela Spaur et son ridicule concours de commandant de police de l’année. Le crime avait réduit l’avance de Venise de manière notable. Encore un cadavre, et Graz les rattraperait. Ou bien était-ce Klagenfurt ? Bah, quelle importance…
    En entendant ses pas, le Dr Lionardo se retourna. Lorsqu’il se recula pour lui permettre de jeter un coup d’œil sur le cadavre, Tron ne décela aucune trace de l’étonnante bonne humeur avec laquelle le médecin légiste effectuait d’ordinaire sa besogne.
    À vrai dire, pensa-t-il alors, il aurait dû être ébranlé par le spectacle qui s’offrait à sa vue. Pourtant, il n’en fut rien. Les lampes à miroir réfléchissant de Bossi plongeaient la scène dans une lumière artificielle qui donnait à l’ensemble l’aspect d’un tableau, d’une peinture brutale et cependant composée avec un grand sens des couleurs. Le velours vert de la banquette et la toile noire du felze formaient un arrière-plan remarquable pour le corps incarnadin de la jeune femme.
    La victime était allongée sur le dos, les jambes repliées, la tête appuyée sur l’accoudoir gauche. Sa position était celle de voyageurs endormis dans un train, sauf qu’en général ceux-ci n’étaient ni dévêtus ni éventrés. Elle baignait dans son sang. L’anneau bleuâtre qui entourait son cou tel un ruban indiquait que l’assassin l’avait étranglée avec une cordelette et non avec ses mains. En se penchant, Tron aperçut les lanières autour de ses poignets et de ses chevilles. Pourquoi l’assassin avait-il ligoté sa victime après l’avoir étranglée ? Et qu’était cette masse informe d’un brun brillant, abandonnée sur la banquette à côté de ses hanches ? Contre toute évidence, l’entendement de Tron refusait d’établir un lien entre cet objet qui rappelait un étal de boucher et le ventre entaillé de la femme. Il ravala sa salive et regarda par-dessus son épaule.
    — Qu’est-ce que c’est que ça ?
    Le visage du Dr Lionardo demeura inexpressif.
    — Son foie. Il l’a découpé de manière assez professionnelle avant de le déposer à côté d’elle.
    Le médecin légiste sortit de la poche de sa redingote un petit flacon et en ôta le bouchon en liège.
    — J’ai trouvé ça sur son épaule. Sentez un peu.
    Tron prit le flacon et le plaça sous ses narines. Il s’en dégageait une odeur piquante qui évoquait en même temps la violette. Le commissaire fit une grimace et regarda son interlocuteur. Le docteur esquissa un sourire furtif.
    — Ne vous inquiétez pas, commissaire ! Ce n’est pas dangereux. Au contraire.
    — De quoi s’agit-il ?
    — De carbonate d’ammonium parfumé, qui libère de l’ammoniac en milieu humide. L’ammoniac provoque une augmentation du réflexe respiratoire dans les narines et les poumons, ce qui conduit aussitôt à une meilleure oxygénation.
    — Des sels ?
    — En effet.
    — Pourquoi avait-il besoin de sels ?
    — Je ne pense pas qu’elle soit morte par strangulation.
    — Mais les traces sur son cou ?
    — Il a seulement serré jusqu’à ce qu’elle perde connaissance. Il ne voulait pas qu’elle meure. Pas tout de suite.
    — Vous voulez dire qu’il…
    Tron fut incapable d’achever sa phrase. Mais le sens était clair. Le Dr Lionardo hocha la tête.
    — Il voulait qu’elle soit encore vivante au moment où il entreprendrait son opération. Et qu’elle ait recouvré ses esprits. C’est pourquoi il avait besoin de sels.
    — Quand pourrez-vous procéder à l’autopsie ?
    Le légiste retira ses gants en coton et les jeta sur le plancher de la gondole. Quand il releva la tête, Tron constata qu’il était aussi livide que Bossi.
    — Demain matin, dit-il d’un ton morne. Je vous ferai parvenir mon rapport vers midi.

11
    Le lendemain matin, Tron débarqua au commissariat peu avant onze heures. Spaur n’était pas encore arrivé, mais le commissaire avait de toute façon l’intention de lire le rapport du Dr Lionardo avant de s’entretenir avec lui. Le ciel était pur, il faisait cependant beaucoup plus froid que la veille. Un

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