Retour à Soledad
ces commissionnaires cupides. Il y a déjà près de deux mois de cela, les services secrets confédérés n'ont eu qu'à se saisir de la personne de lady Ottilia alors qu'elle s'apprêtait à livrer à notre agent de faux plans d'une offensive de l'armée des Carolines, volontairement laissés à sa portée afin qu'on pût les trouver en sa possession et, ainsi, la prendre en flagrant délit d'espionnage. J'ose espérer que votre cousin de Charleston pourra user de son influence auprès du pseudo-gouvernement de Richmond pour faire libérer lady Ottilia. Si elle devait être jugée et condamnée pour espionnage, elle encourrait la peine de mort. C'est le sort que toutes les armées en guerre réservent aux espions. Je pourrais, si cela devenait nécessaire, organiser un coup de main pour tirer votre fille de prison. Une telle opération comporterait de grands risques tant pour elle que pour nos soldats, et cela, sans garantie de succès. »
– Vous allez tout de suite prévenir Bertie III, lança Edward Carver.
– Mon ami, cette lettre ayant mis une quinzaine de jours à me parvenir, Ottilia est incarcérée depuis au moins deux mois et demi. J'imagine que Bertie III, qui a des responsabilités dans les affaires des Carolines, a dû être vite informé qu'une de ses parentes était emprisonnée pour espionnage. Or, il ne m'en a pas averti, gronda le lord.
– Vous pensez qu'il laisserait juger – et peut-être condamner – lady Ottilia ? demanda Colson.
– Bertie n'a jamais aimé Otti, qui ne cachait pas ses sentiments envers les planteurs esclavagistes. Il a dû être bien étonné de la voir se mettre au service des blessés de l'armée confédérée, précisa Carver.
Jetant la lettre de Sampson sur sa table, lord Simon, comme pris d'une lassitude soudaine, se laissa tomber plus qu'il ne s'assit dans son fauteuil.
– Que pouvons-nous faire pour la tirer du mauvais pas où elle s'est fourvoyée ? Oui, que pouvons-nous faire, mes amis ? maugréa-t-il.
– Aller la chercher, parbleu ! lança vivement Charles, comme si la réponse était évidente.
– Nous rendre à Wilmington et la faire évader si les Sudistes refusent de la libérer. Les menacer d'un incident diplomatique, étant donné que lady Ottilia est anglaise et fille de lord, ajouta le commandant Colson.
– C'est ce qu'il faut faire, approuva Edward Carver.
– Mes amis, je n'en attendais pas moins de vous, dit lord Simon, retrouvant son énergie.
L'air effaré, Tilloy se présenta à cet instant dans la pièce.
– Pardonnez mon retard. Que se passe-t-il, grands dieux ! s'exclama le marin, lisant sur les visages la même gravité inhabituelle.
Lord Simon ramassa la lettre de Sampson et la lui tendit.
– Lisez ça et dites-moi ce qu'il convient de faire, à votre avis. J'ai déjà celui de nos amis, fit Cornfield.
Mark lut rapidement le message et se montra catégorique.
– Il faut aller chercher lady Ottilia, lord Simon.
– Tous d'accord là-dessus, commenta Carver.
– Comment vous y prendrez-vous ? demanda Cornfield.
– L' Arawak , que j'ai fait peindre en gris comme vous le souhaitiez, fera un excellent blockade runner . Si vous me permettez de l'alléger du mobilier et de tout ce dont on peut se passer à bord, j'obtiendrai au moins quatorze nœuds : de quoi échapper aux navires du blocus. Une fois à Wilmington, nous aviserons, débita le capitaine.
Approuvé par le commandant Colson, le major Carver, Charles Desteyrac et David Kermor, Tilloy affirma qu'il serait prêt à prendre la mer sous vingt-quatre heures.
– Naturellement, nous sommes tous du voyage, ajouta Charles, s'intégrant d'office à l'équipe.
Cette affirmation ne suscita aucune objection, encore qu'un haussement de sourcils révélât l'étonnement de Cornfield. Puis il se tourna vers Lewis Colson, désignant ainsi le chef de l'expédition.
– Je vais immédiatement écrire à mon cousin Bertie III. Il doit user de son influence pour faire élargir ma fille avant que je ne m'adresse à notre ambassadeur à Washington où se trouve justement le mari d'Ottilia. Je suis certain que Malcolm saura plaider la cause de son épouse et obtenir que notre ministre rappelle à Jefferson Davis l'aide que nos chantiers navals et nos fabricants d'armes apportent à la Confédération.
– Peut-être n'aurons-nous pas à en venir à la
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