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Retour à Soledad

Retour à Soledad

Titel: Retour à Soledad Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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Non seulement ils sont habiles à filer la carte, mais ils utilisent des cartes biseautées ; nous sommes plusieurs à l'avoir compris, un peu tard, hélas, se défendit Malcolm.
     
    – Il dit ça pour ne pas honorer sa dette, répliqua un des joueurs.
     
    – C'est bien ça ! Y veut pas payer ! renchérit l'autre en se débarrassant de sa collerette de paille.
     
    – En territoire britannique, tricher au jeu peut coûter un ou deux ans de prison. Avez-vous alerté le procureur de la reine, sir Malcolm ? demanda Mark.
     
    – Je me prépare à le faire, capitaine, si ces messieurs maintiennent leurs prétentions, répondit l'architecte.
     
    Les deux hommes protestèrent de leur honnêteté, se disant honorablement connus en ville, et s'insurgèrent contre l'agression dont ils étaient l'objet de la part d'un eunuque roux et de ses compagnons.
     
    – Qu'en pensez-vous, Desteyrac ? dit Tilloy.
     
    – Les joueurs professionnels ont toujours sur eux un jeu de cinquante-deux cartes. Que ces messieurs nous montrent les leurs, dit Charles.
     
    – Nous n'avons pas de cartes. Nous jouons avec celles de l'hôtel, nièrent-ils d'une seule voix.
     
    Mais, sur un signe de Tilloy, les Irlandais avaient extrait des poches des Louisianais deux jeux, dans leur étui, qu'ils jetèrent sur la table.
     
    Murray s'en empara et triompha.
     
    – Voyez un peu si ces cartes ne sont pas biseautées, capitaine, dit-il en tendant plusieurs as, rois et dames à Tilloy.
     
    L'officier considéra attentivement la tranche des cartes et constata que chaque côté de certaines d'entre elles avait été légèrement réduit et émincé, ce qui permettait au toucher de les reconnaître parmi les autres.
     
    – La cause est entendue. Ces cartes ont été adroitement biseautées. Vous êtes donc de fieffés tricheurs, mes gaillards. Ne reste qu'à prévenir le procureur de la reine. Votre compte est bon. Non seulement sir Malcolm ne vous doit rien, mais vous aurez à rendre les mises que vous avez indûment raflées à d'autres joueurs, dit Tilloy en empochant les jeux truqués.
     
    Penauds, les complices se concertèrent du regard.
     
    – On pourrait pas trouver un arrangement ? risqua l'un.
     
    – Le mieux serait que ces messieurs quittent Nassau au plus vite, proposa Charles.
     
    – C'est aussi mon avis. Quand ils auront bouclé leurs bagages, Tom O'Graney et ses amis se feront un plaisir de les conduire au port où ils trouveront certainement à s'embarquer pour Wilmington ou Charleston, à bord d'un blockade runner , décida Mark.
     
    Vaincus, les deux hommes se levèrent en grommelant, mais prêts à suivre sans plaisir les Irlandais, qui entendaient ne pas les quitter.
     
    – Rendez-nous nos colts, m'sieur. Ils nous ont coûté cher, dit l'homme au panama défoncé.
     
    – Vous pourriez vous blesser. Nous les conservons en souvenir de notre aimable rencontre, dit Charles Desteyrac, caustique.
     
    Encadrés par les amis de Tom, ces très habiles manipulateurs de cartes, qui avaient commencé leur carrière sur les showboats du Mississippi, s'éloignèrent vers l'entrée de l'hôtel comme des écoliers accompagnés par leurs maîtres.
     
    Sans prosternation, mais avec sincérité, Malcolm Murray remercia Charles et Mark pour leur salutaire intervention.
     
    – Voyez-vous, mes amis, je me suis tout de même bien amusé. Pour goûter pleinement la vie, j'ai besoin d'émotions fortes, de paris risqués, d'engagements hasardeux, même si j'en subodore les conséquences. Devant vous, je reconnais humblement, comme lord Byron : « Les épines de la rose qui me blessent sont celles du rosier que j'ai planté. »
     
    Le tintement de la cloche, annonçant que le service du dîner commencerait dans une demi-heure, fit s'envoler les oiseaux et les dames se lever pour aller s'apprêter. Ce délai laissait aux buveurs du bar le temps de finir leur cocktail avant de s'habiller. La voix du bronze rendit Murray morose.
     
    – Avant d'embarquer pour Soledad, j'aurais voulu vous inviter à dîner, mes amis, mais le directeur du Victoria ne me croit plus solvable, se lamenta-t-il.
     
    Après un regard de biais à Tilloy, Charles intervint.
     
    – La lettre de crédit de lord Simon m'autorise à vous convier, en son nom, à de réjouissantes agapes, puisque Malcolm, ses dettes épongées, recouvre la liberté, décrétat-il gaiement.
     
    – Je suis prêt à jurer devant une bouteille de champagne

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