Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Retour à Soledad

Retour à Soledad

Titel: Retour à Soledad Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
Vom Netzwerk:
mes affaires. Il se dit capable de rétablir la situation.
     
    Lord Simon jaillit de son fauteuil et se dressa, rageur, regard menaçant, teint vermillon, moustache hérissée.
     
    – Quoi ! Vous allez une seconde fois m'enlever Tilloy ? Savez-vous ce qu'il me doit ? Je ne lui permettrai pas de quitter Soledad, ma fille. Envoyez-le moi. Je vais le rappeler à ses devoirs ! ordonna Simon Leonard.
     
    L'infirme, émue aux larmes par la violence de la réaction, resta prostrée dans son fauteuil jusqu'à l'apparition de Pibia qui l'aida, avec une femme de chambre, à regagner le boghei, en attente au pied du grand escalier.
     

    Rien ne transpira de l'entretien qu'eut le capitaine Mark Tilloy avec le maître de l'île. À Cornfield Manor, on en connut les effets en entendant jusqu'au fond du parc le son puissant de l'orgue qui traduisait, sur une partition de Bach martyrisée, la colère jupitérienne de lord Simon.
     
    Le lendemain de l'altercation, Mark, encore bouleversé, raconta à Charles :
     
    – Le Vieux m'a fait une scène de mari trompé. Il m'a ressorti tous ses bienfaits, que je ne nie pas, et m'a retiré sur-le-champ le commandement de l' Arawak .
     
    – Qu'allez-vous faire ?
     
    – Plier bagage et nous rendre le plus vite possible, Ann et moi, à Chicago. Je vais enfin avoir la compagnie de navigation que son père m'avait refusée. Ann a le sentiment de réparer le tort que m'avait autrefois causé la rupture de nos fiançailles, dit Tilloy.
     
    – Si lord Simon perd un officier de sa flotte, moi, je perds un ami. Mais je suis certain que vous réussirez, dit Charles en serrant la main de Mark.
     

    La soirée d'adieu des marins de Soledad à l'un des leurs se tint au Loyalists Club. Lewis Colson tenta de convaincre lord Simon d'y assister parmi les officiers de sa flotte, mais le vieil homme, ulcéré par ce qu'il considérait comme une trahison, refusa de quitter le manoir. On sut plus tard qu'il avait serré Ann dans ses bras avec émotion en l'assurant que, si les choses n'allaient pas comme elle voulait, elle trouverait « toujours, à Soledad, le vivre et le couvert ».
     

    Des semaines plus tard, lors des festivités de fin d'année, lord Simon évoqua devant Desteyrac la nouvelle défection de Mark Tilloy.
     
    – Quel ingrat ! Quel ingrat ! grogna-t-il.
     
    – Ne soyez pas injuste. À Soledad, Mark avait son bâton de maréchal. Que pouvait-il attendre de plus ?
     
    – Il aurait remplacé Colson à la tête de ma flotte. Il n'était pas bien, avec nous, sur notre île ? Quand on a la chance de vivre sur un morceau de paradis, il est sage d'y rester !
     
    – Mark Tilloy, bon marin, a toujours eu l'ambition d'être armateur. Son mariage avec Ann lui en offre la possibilité. Et il est capable de réussir. Vous devez l'admettre.
     
    – Je lui souhaite – et à la pauvre Ann aussi – de réussir, mais ce qui me peine le plus, Charles, c'est que j'ai compris que Mark n'aimait pas « le Vieux », comme je sais qu'il m'appelle. Moi, je l'aimais bien, cet imbécile ! bredouilla Simon Leonard.
     

    Quand, au printemps 1870, Charles Desteyrac proposa à Lamia de construire un phare à la pointe sud-ouest de son îlot, au lieu-dit Cabo del Diablo, il se heurta d'abord, comme il s'y attendait, à une opposition. Fish Lady fit d'emblée observer que cette construction causerait d'« inévitables désagréments ». Ayant perdu Edward, son mari, et Ounca Lou, sa fille adoptive, elle n'aspirait plus qu'à vivre en paix sur son domaine, pour attendre la mort en voyant grandir Pacal.
     
    Charles connaissait assez cette femme pour deviner qu'il s'agissait d'une dérobade. La vraie raison de sa réticence devait être recherchée ailleurs. Sans se laisser démonter, il reprit son exposé.
     
    – Les matériaux lourds arriveront par la mer et le chantier sera établi loin de votre maison. Vous avez vu travailler mes ouvriers lors des travaux sur Soledad. Je les ai formés et, si j'ose dire, éduqués. Je prendrai les mêmes et je répondrai de leur bonne conduite.
     
    Comme elle se taisait, Desteyrac passa à l'offensive.
     
    » L'argument du dérangement inévitable me paraît fallacieux, chère Lamia, et je crois savoir ce qui vous retient.
     
    – Vous croyez savoir ? Vraiment !
     
    – Je sais que nos indigènes ne veulent pas de phare, car, chaque fois qu'un navire se brise sur un récif et fait naufrage, ils se précipitent, non pour tirer

Weitere Kostenlose Bücher