Richelieu ou la quête d'Europe

de Lesdiguières. Compagnon d’Henri IV, le gouverneur du Dauphiné n’a qu’une obsession, chasser les Espagnols du Piémont . L’attaque est donc portée en Italie , à la plus grande surprise de Don Pedro de Tolède. C’est ainsi que Charles-Emmanuel  i er  entre en possession des places fortes qu’il n’osait plus convoiter. Richelieu commence par désavouer la campagne du maréchal de Lesdiguières. Mais la guerre privée menée par le gouverneur du Dauphiné s’avère tout bénéfice pour la France  : le gouverneur de Milan a reçu une sévère leçon, même si le duc de Savoie , n’ayant que des moyens limités à sa disposition, doit évacuer le Montferrat au profit du Piémont.
    Les circonstances de l’envoi du maréchal de Schomberg en Allemagne ont été évoquées. L’objectif de sa mission était de rétablir la réputation du roi de France . Marie de Médicis a pourtant eu l’habileté de confirmer les édits de tolérance et de donner de solides garanties aux huguenots, comme les places de sûreté. Outre la politique pro-espagnole, un élément joue paradoxalement en sa défaveur, le souci, hérité de son défunt mari, d’éviter la confusion entre politique étrangère, ou dynastique, et religion, exercice difficile, auquel elle a le plus grand mal à se plier. C’est pourquoi Richelieu lui est indispensable, d’autant que la méthode qu’il applique la rassure pleinement. Louis XIII et sa mère se montrent respectueux des religions, mais ils doivent veiller à faire respecter leur autorité, en particulier dans les régions où les protestants sont nombreux. Richelieu, faisant sien le principe de séparation énoncé par Henri IV, préconise lui aussi la paix avec l’ Espagne , qui constituerait la meilleure garantie en matière religieuse. L’affrontement direct n’est pas une nécessité et n’est en aucun cas le corollaire du combat d’influence à mener contre les Habsbourg. En ce qui concerne les liens à ménager avec Madrid , Richelieu, dans l’immédiat, rejoint Marie de Médicis quant à l’attitude à laquelle se conformer, tout en restant très éloigné d’elle sur l’objectif final à atteindre.
    À la suite de l’intervention du maréchal de Lesdiguières, Madrid s’abstient soigneusement d’intervenir dans les affaires internes du royaume. La tâche du maréchal de Schomberg en est d’autant facilitée. La France retrouve en partie sa crédibilité perdue et les principaux princes allemands se déclarent sensibles à la volonté de Louis XIII de confirmer les alliances de son père.
    Parallèlement, Richelieu se voit confronté à d’autres difficultés, qu’il ne peut résoudre. Les Pays-Bas ont refusé à la France la levée de mercenaires et des rapports défavorables ont été transmis par les protestants de La Rochelle à La Haye . De surcroît, le duc de Bouillon, prince souverain de Sedan , est l’allié de la famille de Nassau. En Angleterre , le roi Jacques  i er ne cache pas sa désapprobation quant aux mariages espagnols contractés par la France. Un projet matrimonial concernant Christine, seconde fille de Marie de Médicis, et le prince de Galles, Henri, ne peut aboutir en raison du décès de ce dernier en 1612. Le roi d’Angleterre maintient des contacts réguliers avec les chefs du parti huguenot. Richelieu convoque même l’ambassadeur de Jacques  i er pour les lui reprocher, mais l’affaire en reste là.
    Beaucoup plus grave est l’affront fait à la France par la république de Venise . Alliée traditionnelle de la France, la cité des Doges est entrée en conflit avec l’archiduc Ferdinand de Styrie, prince de la maison de Habsbourg, candidat à l’Empire. Venise est confrontée depuis de nombreuses années aux incursions plus au moins régulières de brigands, les Uscoques, venus de l’autre extrémité de la mer Adriatique et de la ville de Segna . Les Vénitiens décident d’en finir et saccagent le repère des Uscoques. Or Segna se situe sur les terres de l’archiduc Ferdinand. Les Uscoques sollicitent la protection du souverain Habsbourg, qui entre en guerre contre la république de Venise. Au mois de septembre 1615, celle-ci voit son armée décimée par les forces de Ferdinand lors du siège de Gradisque et Don Pedro de Tolède menace de prendre la cité marchande à revers. Le vice-roi de Naples , le duc d’Ossuna, avec la complicité de l’ambassadeur du roi catholique à Venise, organise un complot à