Richelieu ou la quête d'Europe
États protestants qu’ils ont sollicités. Richelieu dépêche des agents pour faire échec à ces tractations et même obtenir l’autorisation de recruter des mercenaires. C’est ainsi que le maréchal de Schomberg est envoyé en Allemagne , M. de La Noue en Hollande , le baron de La Tour en Angleterre et M. Miron en Suisse . Ces ambassadeurs extraordinaires reçoivent pour instruction d’expliquer que les mariages espagnols ne sont pour la France que la garantie de l’apaisement avec Madrid et que les Grands du royaume ont déjà bénéficié de sommes énormes allouées par la Couronne. Si la France connaît des difficultés financières, la responsabilité en revient au caractère insatiable des princes. De plus, en envoyant à l’étranger des hommes de confiance, Richelieu fait face à une autre nécessité : celle de renouveler un personnel diplomatique qu’il sait dubitatif à son égard.
Dans le même temps, l’évêque de Luçon s’attache à verser régulièrement les soldes aux armées levées. Il reconstitue les parcs d’artillerie, mobilise toute la noblesse et réorganise d’anciens régiments. Les mercenaires affluent, notamment d’ Allemagne . Les effectifs des garnisons sont augmentés et des régiments supplémentaires viennent renforcer la défense des principales villes du royaume. Trois armées sont rapidement opérationnelles. La première est placée sous les ordres du duc de Guise, rallié à la cause royale. Stationnée en Champagne , elle ne compte pas moins de trente mille hommes et quarante pièces de canon. La seconde, en Normandie , est confiée au comte d’Auvergne. La troisième, celle du maréchal de Montigny, regroupe quatre mille fantassins et cinq cents cavaliers pour reprendre le contrôle du Berry et du Nivernais . Henri de Richelieu sert directement auprès de son frère comme maréchal de camp.
Au cours du printemps 1617, le duc de Guise connaît de fulgurants succès : il s’empare tour à tour du château de Richecourt-sur-Aisne , de Château-Porcien , puis de Rethel . Charles de Gonzague n’a plus qu’à prendre la fuite. Le comte d’Auvergne pacifie le Maine et se rend en Île-de-France . Crépy-en-Valois et Pierrefonds ne lui résistent pas. Puis c’est au tour du duc de Mayenne, enfermé à Soissons , de se rendre. Le maréchal de Montigny n’est pas en reste : il investit la ville de Nevers et contraint la duchesse à négocier.
Les succès intérieurs de l’évêque de Luçon sont réels. Les liens épistolaires réguliers entretenus avec les chefs des armées ont permis au gouvernement d’obtenir une obéissance qui, jusqu’alors, était beaucoup plus aléatoire. Richelieu agit à sa guise : le roi, semble-t-il, signe les dépêches qui lui sont soumises avec la meilleure volonté du monde.
L’efficacité immédiate dont fait preuve le prélat s’explique par son souci constant de se tenir informé de toute chose. Dès cette époque, Richelieu met en place un réseau d’espions et d’informateurs à sa solde. Deux principes fondamentaux gouvernent son action : la nécessaire rapidité de décision ; le souci constant de tirer les enseignements de toute épreuve. Le jeune ministre se rend compte que l’origine des troubles réside dans le caractère instable de la noblesse et dans la maîtrise des infrastructures militaires dont elle dispose traditionnellement. Le système de la fidélité et le réseau des demeures seigneuriales fortifiées sont primordiaux. Richelieu commence à envisager la réduction de ces forteresses, même si cette pensée s’attaque au symbole même de la dignité aristocratique. En cette matière encore, le ministre de Louis XIII, tout au long de sa carrière, fait preuve d’une constance et d’une opiniâtreté à toute épreuve.
En matière de politique étrangère, le constat est similaire. Dès 1617, et jusqu’en 1642, Richelieu témoigne d’un jugement d’une exceptionnelle précision. Son unique souci est celui de la grandeur, de la réputation de la France et de son souverain. À l’époque du ministère Concini, tout est à accomplir. L’ Europe sort fragilisée de la succession de Clèves et de Juliers . L’équilibre religieux qui maintient la paix entre les principautés est d’une grande précarité. Henri IV a choisi de resserrer les liens de la France avec les États protestants d’outre-Rhin, mais son assassinat s’explique aussi par la tentative qu’il a opérée de
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