Richelieu ou la quête d'Europe
ministres et délivre ensuite son appréciation. Ses jugements s’avèrent d’une grande pertinence. De même, il reçoit longuement les ambassadeurs pour s’enquérir des affaires diplomatiques. Le monarque se montre soucieux du bien public et de la paix qu’il doit s’attacher à sauvegarder. Il se considère comme le dépositaire exclusif de l’autorité royale, qu’il place au-dessus de tout autre potentat en matière de gouvernement. Sa sensibilité – voire sa jalousie – à cet égard, est extrême. C’est bel et bien Louis XIII qui dirige l’administration du royaume. Luynes n’est qu’un favori, couvert de richesses et d’honneurs. Si la rumeur publique en fait un principal ministre, son incompétence l’exclut en réalité de toute décision importante. Il n’est présent auprès du souverain qu’en raison de l’affection que celui-ci lui porte, et n’est dangereux que par les passions qu’il suscite.
Marie de Médicis, quant à elle, est provisoirement prisonnière au Louvre. Son fils aîné refuse de lui parler. Elle reste enfermée quatre jours durant ! Le 1 er mai 1617, sortant de son mutisme, elle fait présenter au roi, par Richelieu, cinq requêtes : être autorisée à quitter Paris ; bénéficier de toute autorité dans la ville où elle ira résider ; conserver ses revenus, apanages et appointements ; connaître les personnes dont elle sera entourée ; voir le roi avant de partir. Louis XIII accède à tous ses désirs ; l’unique restriction qui y est faite concerne les soeurs du roi, tenues de rester à Paris.
Le souverain a déjà décidé d’envoyer sa mère à Blois . Sur les instances de la nonciature apostolique, Richelieu est choisi comme intermédiaire entre le gouvernement et Marie de Médicis, qui, malgré une attitude bien timorée à la mort de Concini, vient de faire de l’évêque de Luçon le chef de son Conseil. Le départ est fixé au 3 mai. Le prélat demande à faire partie du voyage et obtient une autorisation écrite du roi. Le jeune évêque ambitieux garde le secret espoir de n’être pas définitivement exclu des arcanes du pouvoir. Conscient de la précarité de sa position, il s’entremet une dernière fois auprès de Luynes et offre au favori de le tenir informé de l’état d’esprit de la reine mère. Courant mai, Marie de Médicis prend donc ses quartiers sur les bords de la Loire. Sa suite partage son sort : son aumônier, Philippe Hurault ; son premier écuyer, M. de Bressieux ; le cardinal Jean de Bonzy, évêque de Béziers ; de nombreux Italiens ; M. de Villesavin, secrétaire aux commandements de la reine, responsable de sa correspondance, devenu son confident.
Villesavin déteste Richelieu et ne tarde pas à le dénoncer comme espion de Luynes et de Louis XIII. L’évêque de Luçon sollicite dès le 8 mai un chiffre pour pouvoir correspondre avec Déageant,. Il n’hésite pas à faire parvenir à Paris des rapports aussi complets que ceux d’un espion. Villesavin et Bonzy n’ignorent rien du zèle policier auquel s’adonne Richelieu. Mais l’ardeur de l’évêque de Luçon éveille aussi la méfiance de Luynes. Déageant, avertit le prélat que la rumeur l’accuse de trahir tout le monde. Richelieu ne trouve d’autre issue immédiate qu’une maladroite justification. La reine mère n’est pas insensible à la loyauté affectée par le chef de son Conseil. Les soupçons ne cessent pourtant de croître à son encontre. Les ministres de Louis XIII considèrent l’évêque de Luçon comme un dangereux intrigant. Ils finissent par demander le renvoi du prélat sur ses terres. Le roi garde encore le silence et attend. Henri de Richelieu est informé par le marquis de Châteauneuf que son frère encourt un ordre d’exil permanent ; l’aîné avertit aussitôt son cadet. Armand Jean prend peur et obtient de Marie de Médicis l’autorisation de se rendre à Coussay pour s’y reposer une semaine. Le prélat est décidé à ne plus s’exposer aux critiques et à se faire oublier, au moins pour un temps. Le 11 juin, il quitte Blois sans demander son reste.
La fuite de l’évêque de Luçon irrite Marie de Médicis au plus haut point. La reine mère adresse missive sur missive au prieuré de Coussay , sans obtenir la moindre réponse. Elle réclame à cor et à cri le retour de son conseiller : Richelieu est terré et attend la suite des événements avec la plus vive inquiétude. Il redoute
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