Richelieu ou la quête d'Europe
Elle se rend à Avignon où arrivent à leur tour le duc de Savoie , inquiet des progrès réalisés par les Espagnols, l’ambassadeur de Venise et le maréchal de Lesdiguières, promu connétable à l’occasion de sa conversion au catholicisme. La Valteline est à l’ordre du jour.
Louis XIII préfère ne rien décider dans l’immédiat. Il se rend à Lyon où Marie de Médicis se déclare favorable à une expédition. C’est là que le roi remet le chapeau de cardinal à Richelieu, qui a aussi été élu proviseur de la Sorbonne [3] . À cette date, l’homme fort du gouvernement reste Sillery, qui s’entête à tenir le prélat le plus loin possible du gouvernement. Louis XIII se méfie d’ailleurs toujours. Et pour ne rien arranger, Richelieu est malade. Il souffre de terribles migraines et de douloureuses rétentions d’urine. Les malveillances, les incessants conflits d’intérêts, les ambitions contrariées et contradictoires rendent la lutte pour le pouvoir et pour le bien de la royauté épuisante. Lui qui vient d’être promu cardinal ne peut agir qu’en sous-main. Il compte sur les erreurs commises, qu’il faut réparer, sur l’opinion publique, dont il sait qu’elle est malléable, et sur ses amis.
Au mois de janvier 1623, Louis XIII effectue un retour triomphal à Paris . Quelques semaines plus tard, il adhère enfin à la ligue offensive et défensive d’ Avignon ayant pour objectif la restitution de la Valteline aux Grisons. La France , la Savoie et la république de Venise unissent leurs forces, mais l’alliance est aussi ouverte au pape, à la Confédération suisse, à l’ Angleterre et aux princes d’ Allemagne et d’ Italie . Les coalisés prévoient le rassemblement d’une armée de quarante-cinq mille hommes. Le traité formel est signé à Paris en présence du connétable de Lesdiguières, de Sillery et de Puisieux. Les ministres du roi sont pourtant dans leur majorité hostiles à la prise d’armes. Le frère de Sillery, ambassadeur à Rome , suggère habilement au pape d’offrir sa médiation. Le souverain pontife accepte. Il est prévu que les forts espagnols et autrichiens construits sur les territoires des Grisons soient confiés à la garde des troupes pontificales.
Les partenaires de la France se sentent aussitôt trahis. Louis XIII se déconsidère aux yeux des princes protestants comme aux yeux des chefs d’État catholiques. Au quotidien, le roi semble d’ailleurs se désintéresser des affaires d’État et ne trouver goût qu’à la fauconnerie. La réalité est que le couple royal est en crise depuis 1622. Anne d’Autriche a fait deux fausses couches, la seconde due à une chute stupide. Le souverain reproche à son épouse sa frivolité et sa légèreté. Tenant l’entourage de la reine responsable de ce qui est arrivé, Louis XIII congédie tout le monde. Malgré sa colère, Anne d’Autriche doit s’incliner. La mésentente s’installe dans la durée, d’autant plus inquiétante que la succession au trône, faute d’héritier mâle issu du mariage espagnol, est loin d’être assurée, et que le prétendant à la couronne demeure le frère cadet du roi, Gaston, duc d’Anjou . Profitant de la fragilité psychologique et familiale de leur souverain, Sillery et Puisieux prennent chaque jour davantage d’initiatives. Ils réussissent à évincer le comte de Schomberg de la surintendance des finances et à lui substituer le marquis de La Vieuville. L’accaparement du pouvoir par le clan Sillery-Puisieux déclenche bientôt une grave crise gouvernementale.
À la fin de l’année 1623, La Vieuville entreprend la chasse aux dépenses inutiles et découvre d’importants détournements de fonds. Les registres d’État attestent du versement de pensions qui n’arrivent jamais à leurs bénéficiaires initiaux ; le Trésor paie des soldes et des équipements militaires fictifs. Or il apparaît que les bénéficiaires du système ne sont autres que Sillery et Puisieux. La Vieuville ne doit sa promotion qu’à ces derniers. Il leur est redevable. Mais le mal est fait, il a parlé au cours de l’enquête, avant d’en connaître le résultat. Il ne peut plus reculer. Le 1 er janvier 1624, il dévoile tout au roi. Sillery et Puisieux sont chassés. La Vieuville devient principal ministre. Un nouveau gouvernement est formé : les sceaux sont attribués à Étienne d’Aligre ; les Affaires étrangères, briguées par Richelieu, sont partagées
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