Richelieu ou la quête d'Europe
réputation de sa belle-fille, qu’elle n’aime pas. Richelieu n’apprécie pas non plus Anne d’Autriche et redoute surtout son influence. L’intrigue entre la reine régnante et le duc de Buckingham ne s’en développe pas moins et, comme à Madrid , le représentant de Charles i er fait scandale.
Au début du mois de juin, Buckingham et Henriette de France prennent la route de l’ Angleterre . L’étiquette stipule qu’Anne d’ Autriche les escorte jusqu’à Boulogne-sur-Mer. Louis XIII, malade, est contraint de s’arrêter à Compiègne . Marie de Médicis et sa belle-fille continuent jusqu’à Amiens , où la reine mère, à son tour, est victime d’une indisposition. Le cortège royal s’immobilise quelques jours. Un soir, la duchesse de Chevreuse propose ingénument une promenade. Buckingham a soudoyé les domestiques de la reine régnante pour pouvoir être seul avec elle et lui déclarer sa passion. Anne d’Autriche appelle ses femmes à l’aide et doit repousser les ardeurs de son fougueux prétendant. Mais l’aventure ne s’arrête pas là.
Le 16, Henriette de France et Buckingham partent pour Boulogne-sur-Mer. Le soir même, l’Anglais revient sur ses pas. Anne d’Autriche le reçoit dans sa chambre. Buckingham, en pleurs, se jette à ses pieds. L’assistance ne sait quelle contenance adopter et demande au visiteur de se retirer. Le lendemain, le duc repart définitivement, tandis qu’Anne d’Autriche et Marie de Médicis regagnent Paris . La reine mère fait un récit sans bienveillance des incidents, même si rien ne peut être reproché à sa bru. Louis XIII se sent la risée de tous. L’honneur du roi et de la dynastie est en jeu. La suite d’Anne d’Autriche est encore une fois congédiée.
Entre les époux, la méfiance ne fait que croître. Richelieu place ses espions dans le nouvel entourage imposé à la souveraine. Il se ménage aussi le concours d’informateurs en Angleterre , car il craint que les relations entre la cour de Londres et celle de Paris ne pâtissent des initiatives de Buckingham. Le cardinal recrute une espionne aussi bien placée que passionnée par les événements : la comtesse de Carlisle, ancienne maîtresse de Buckingham, qui ne pardonne rien. Il est tout à fait plausible que l’amante trompée ait pu dérober des ferrets. L’inventaire après décès d’Anne d’Autriche mentionne une parure semblable, en diamants, évaluée à sept cents livres.
Buckingham tente par tous les moyens de revenir en France , notamment en organisant un séjour au Louvre pour Henriette. Mais Louis XIII et Marie de Médicis préfèrent renoncer à voir la reine d’ Angleterre plutôt que d’accepter la présence en France de l’homme par qui le scandale est arrivé. Le favori de Charles i er rumine sa rancoeur et infléchit peu à peu la politique du souverain Stuart. Ce dernier s’éloigne des intérêts de sa belle-famille, tandis que la soeur du roi de France, peu encline à la tolérance vis-à-vis de son environnement anglican et volontiers ostentatoire dans ses dévotions, est victime de vexations répétées.
L’incident d’ Amiens a d’importantes répercussions dans le royaume. Anne d’Autriche est désormais l’ennemie irréconciliable de Louis XIII et de Richelieu. La question de la succession au trône trouve une nouvelle acuité. Anne d’Autriche est opposée au mariage de Monsieur, car elle risquerait d’être effacée par une belle-soeur féconde et pourrait même en être méprisée [38] . La famille de Condé adopte la même position, car un hériter l’éloignerait de la couronne. Le comte de Soissons est également contre : il est lui-même prétendant à la succession et souhaite épouser Marie de Montpensier. Les Longueville et les Vendôme, ennemis des Guise, sont hostiles au mariage. Enfin, le frère du roi lui-même n’a aucune attirance pour la promise [39] .
Mais Marie de Médicis, elle, est attachée à cette union, qui pourrait ouvrir à son fils cadet, préféré, la voie au trône de France . Pour convaincre Monsieur, elle décide de recourir à l’ancien gouverneur de ce dernier, le maréchal de camp d’Ornano. Disgracié en mai 1624, Ornano est enfermé au château de Caen . La reine mère obtient son rappel, la charge de premier gentilhomme de la chambre de Monsieur, puis, en 1626, le bâton de maréchal de France . Mentor de son ancien élève, Ornano obtient bientôt pour lui l’entrée au Conseil.
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