Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Richelieu ou la quête d'Europe

Richelieu ou la quête d'Europe

Titel: Richelieu ou la quête d'Europe Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marie-Catherine Vignal Souleyreau
Vom Netzwerk:
le Bon, Charles de Vaudémont, tout récemment promu à la tête des États de sa femme, s’en est inquiété. La crainte de voir ses terres cernées par la France a engagé le nouveau duc à dépêcher spécialement un ambassadeur à Paris , Henri de Livron, marquis de Ville. Ce dernier a été chargé de présenter au roi de France les actes établissant la suzeraineté ducale sur Mars-la-Tour. Richelieu décide de ne pas en tenir compte. La meilleure défense étant l’attaque, il saisit l’occasion pour envoyer en Lorraine un des plus fidèles serviteurs de la cause monarchique. Dès le mois de novembre, des lettres de commission sont adressées à Cardin Le Bret [30] .
    Cardin Le Bret est avocat général au parlement de Paris . Au mois de novembre 1624, Richelieu le nomme intendant des Trois-Évêchés , chargé de l’enquête lorraine. Il est secondé par Jean Delon, sieur de Lorme, trésorier de France , et par Pierre Dupuy, avocat au Parlement, garde de la bibliothèque du roi et du trésor des chartes. Les trois hommes sont rejoints par Michel Charpentier, président royal à Metz .
    La formation de la commission Le Bret est liée aux habituelles tracasseries opposant Français et Lorrains à Metz , Toul et Verdun . Elle répond à quatre préoccupations distinctes : la crise économique qui secoue l’ Europe de l’époque, la seigneurie de Mars-la-Tour , les droits du roi en Lorraine associés aux prétentions françaises, les usurpations opérées en contravention au régime de protection instauré par le roi Henri II sur les Trois-Évêchés . La tâche formelle assignée aux quatre juristes est descriptive. Il s’agit de dresser un état des lieux. S’il ne leur est pas demandé de remédier eux-mêmes à la situation qu’ils ont la charge de présenter, il est en revanche stipulé, dès le mois de novembre, par la lettre de commission envoyée à Cardin Le Bret, que les conflits liés aux terres de surséance devront être réglés par les envoyés du roi de France . Les instructions complémentaires transmises peu après au juriste distinguent les lieux de contestation avérés des lieux de contestation potentiels à établir lors de la mission [31] .
    Les conclusions rendues par Cardin Le Bret et ses collègues sont impitoyables pour Charles IV. Mais aucune suite ne peut leur être donnée dans l’immédiat. La méthode employée par la commission est trop maladroite et trop excessive. Richelieu ne peut encore se permettre de donner suite. Jusqu’en 1642, la Lorraine reste le lieu de tous les conflits, à la frontière du Saint Empire où la guerre de Trente Ans fait rage, à la limite du royaume de France qui entend se ménager un accès au Rhin et protéger ses marges orientales.

    La notion de frontière n’est pas établie au xvii e  siècle [32] . Les notions d’espace et de carrefour dominent. L’espace lorrain est traversé par les tercios espagnols en route de Milan vers les Pays-Bas , lui conférant la valeur de passage obligé. La politique de Richelieu à l’égard du duché de Lorraine dès 1624-1625 répond à deux préoccupations qui demeurent constantes : empêcher l’invasion du royaume de France par sa frontière est ; se ménager un accès sur le Rhin pour pouvoir intervenir militairement dans le Saint Empire romain germanique. Les rapports entretenus par Louis XIII et le duc Charles IV s’inscrivent d’abord dans le conflit opposant le souverain Bourbon à la famille de Habsbourg, à la fois à la branche d’ Autriche et à la branche d’ Espagne [33] . Les duchés de Lorraine et de Bar , tout autant que les Trois-Évêchés de Metz , Toul et Verdun , se situent au coeur de la lutte engagée par le roi de France et son principal ministre contre l’hégémonie de l’empereur Ferdinand II et du roi Philippe IV d’Espagne en Europe . Louis XIII et Richelieu défendent une Europe chrétienne multiconfessionnelle, faite d’États catholiques ou réformés indépendants, les plus forts protégeant les plus faibles. Charles IV de Lorraine porte l’étendard d’une Europe catholique, dont l’Empire serait l’unique garant. Ferdinand II serait seul à même de garantir la cohésion politique du continent, défenseur désigné de la religion légitime.
    Et en 1625-1626, en effet, Louis XIII et Richelieu ont trop à faire avec les huguenots à l’intérieur du royaume pour pouvoir prétendre à un rôle efficace à l’extérieur. Le cardinal ne peut que

Weitere Kostenlose Bücher