Richelieu ou la quête d'Europe
se mobilise en leur faveur. Bouteville est un cousin du duc de Montmorency, et sa femme est enceinte. Rien ni personne ne fléchit le roi. Le 22 juin, les fautifs sont exécutés. L’événement frappe les esprits. Au début de l’été, onze libelles circulent à Paris : cinq demandent la grâce et six justifient l’exécution. Le Mercure français consacre une soixantaine de pages à l’affaire.
La mort de Montmorency-Bouteville et de son complice a de profondes conséquences psychologiques. La conscience collective est durablement impressionnée. Un clivage apparaît dans la société : d’une part, la noblesse terrienne et son assise territoriale traditionnelle ; d’autre part, le pouvoir royal et gouvernemental, de plus en plus autoritaire. En mettant en oeuvre les réformes qu’il juge indispensables, en éliminant ses adversaires et ceux de la royauté, Richelieu suscite les critiques et une haine croissante, alors même que la guerre contre les protestants reprend à l’intérieur du royaume. Le roi ne s’y trompe pas. Dès le mois de mars, des lettres patentes accordent des pouvoirs accrus au cardinal-ministre, qui obtient entrée et voix délibérative au Parlement, avec le même rang que les pairs du royaume.
Malgré les calomnies et les menaces véhiculées par une violente campagne de libelles qui atteint toute l’ Europe , 1625 et 1626 sont les deux années au cours desquelles Richelieu gagne définitivement la confiance, le respect, et sans doute même l’amitié du roi. En juin 1625, prétextant sa mauvaise santé, le cardinal demande à Louis XIII l’autorisation de céder ses fonctions. Le souverain, pour préserver son ministre, le décharge simplement des visites et sollicitations des particuliers. Un an plus, tard, presque jour pour jour, le roi écrit à Richelieu de ne pas le quitter. Puis, à l’automne 1626, un véritablement déferlement de haine s’abat sur le prélat. Tous ses actes sont présentés comme odieux. Il est « l’homme rouge » qui passe ses journées à épier Marie de Médicis. À nouveau, Richelieu parle de démission. À nouveau, le souverain lui conseille le repos et le calme, et fait renforcer sa garde. Les érudits et publicistes au service du cardinal doivent déployer tous les artifices de la rhétorique pour répondre au feu nourri des attaques. Certains tentent même de discréditer Richelieu en utilisant les difficultés auxquelles il se heurte depuis des années pour améliorer sa situation financière personnelle. La liquidation de la succession paternelle et la liquidation de celle d’Henri sont en cours et suscitent procès sur procès. Ce n’est qu’en 1633 que les ayants droit cèdent leur part à Richelieu et que se clôt le problème. Il reste que, dès 1627, le cardinal a acquis suffisamment de terres et réuni suffisamment de biens pour pouvoir prétendre à l’érection de ses domaines en duché-pairie.
La Rochelle et la révolte protestante
L’agitation protestante ne s’est pas tue avec la paix de Montpellier , bien au contraire. Le duc de Rohan est persuadé que Louis XIII et Richelieu souhaitent éradiquer le protestantisme du royaume. Par ailleurs, les rapports entretenus avec Londres se sont terriblement dégradés : le roi d’Angleterre n’a pas respecté les engagements qu’il avait souscrits concernant les catholiques anglais. La reine d’ Angleterre , face aux brimades dont elle est chaque jour victime, affiche un catholicisme volontairement ostentatoire, tandis que Buckingham, grand amiral de la flotte anglaise, prépare une expédition contre la France . Avec la complicité du duc de Soubise, réfugié outre-Manche, Charles i er souhaite s’opposer à la puissance maritime de la France , aux progrès récemment réalisés et aux ambitions commerciales du roi et de son ministre.
De leur côté, les protestants français sont inquiets : leurs forces sont amoindries et le bastion de Fort-Louis a été maintenu en face de La Rochelle . Des liens se nouent entre les huguenots et les Anglais, appelés à la rescousse. Richelieu, dans le cadre de ses fonctions de grand maître de la navigation, est accusé de vouloir battre en brèche la puissance commerciale des Rochelais et plus généralement les libertés et franchises des ports du royaume. La ville de La Rochelle revendique sans complexe des traditions et avantages qui lui assurent une quasi-autonomie à l’intérieur du royaume. Son sentiment
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