Richelieu ou la quête d'Europe
son château de Couzières , près de Tours . Interrogé, le porteur de la missive ne fournit aucune explication. Face à la gravité de la situation, l’archevêque de Paris , Jean-François Gondi, en compagnie du chancelier Pierre Séguier, entreprend une perquisition au couvent du Val-de-Grâce, où l’abbesse, Louise de Milly, se dérobe et fait échouer l’opération. Le 14, Séguier, à bout de ressources, est contraint d’interroger Anne d’Autriche, avec la plus grande circonspection, sans obtenir plus de résultats.
Puis, le 17, c’est au tour de Richelieu d’avoir une entrevue avec la reine. Choquée du traitement qui lui est fait, la souveraine finit par avouer la vérité : elle correspond avec Philippe IV, avec leur frère, le cardinal-infant, avec la duchesse de Chevreuse, mais aussi avec l’ Angleterre , et transmet à ses interlocuteurs le peu de renseignements dont elle dispose sur la marche des Affaires. Elle travaille, en particulier, à dissuader Charles i er d’une alliance avec la France . La portée de ses aveux est telle que la fautive doit répéter sa confession verbale devant le roi, et contresigner un compte rendu écrit. Face à une épouse qui ne cesse de le trahir, Louis XIII se montre d’autant plus méfiant que la duchesse de Chevreuse choisit cet instant pour partir en exil, en Espagne puis en Angleterre . Toute réconciliation intime avec Anne d’Autriche semble désormais exclue. Le souverain ne s’y résout que parce que son devoir est de donner un héritier à la couronne. Mais même si l’avenir de la royauté est en jeu, l’ingérence de Richelieu dans l’intimité du souverain, à l’heure du doute et de l’échec, ne se fait pas sans dommages.
Richelieu et Louis XIII : la crise de confiance
En 1630, contre toute attente, Louis XIII s’est épris d’une adolescente de quatorze ans, rencontrée à Troyes , Marie de Hautefort. Le roi a demandé à Anne d’Autriche de lui réserver une charge dans sa Maison. Très vite, la jeune fille préfère la compagnie de la reine aux maladroites assiduités du roi. Elle consacre tous ses efforts au rapprochement des époux, quitte à ruiner le crédit de Richelieu. Mais son caractère hautain et son arrogance finissent par lasser le souverain, plus seul que jamais. Richelieu décide alors, avec l’aide de Claude Saint-Simon, d’attirer l’attention de Louis XIII sur Louise-Angélique de La Fayette, demoiselle d’honneur d’Anne d’Autriche. Nous sommes au mois de février 1635.
De caractère beaucoup plus réservé que Marie de Hautefort, Mlle de La Fayette fait preuve de la plus profonde piété et envisage même une retraite spirituelle. Maintenue dans le siècle, la jeune fille est volontiers encline à s’opposer au conflit avec les Habsbourg et à accorder une attention particulière aux misères du peuple. Elle dénonce bientôt au roi l’usage excessif fait des armes et le luxe dont s’entoure Richelieu, alors que le peuple vit dans le plus grand dénuement.
Pour le prélat, l’insistance de Louise-Angélique de La Fayette pourrait s’avérer aussi néfaste que les initiatives de Marie de Hautefort. Dès la fin de l’année 1635, le cardinal fait intervenir le confesseur de la première, le père Carré, pour la persuader de céder à sa vocation et d’entrer dans les ordres. Elle se laisse convaincre, puis soudain recule. De nouvelles tentatives du père Carré déterminent la famille de la jeune fille à écarter le confesseur.
Informé, Louis XIII apprécie peu l’attitude de Richelieu qui redouble les attaques indirectes contre la favorite, notamment par des pamphlets. À la fin de l’année 1636, Mlle de La Fayette fait à nouveau part de son désir de prendre le voile. Le 19 mai 1637, elle entre au couvent Sainte-Marie-de-la-Visitation, rue Saint-Ambroise, et Louis XIII ne peut rien faire. Le cardinal essaie bien de placer Mlle de Clémerault : le refus est aussi immédiat que cinglant. Non seulement Marie de Hautefort retrouve son influence, mais le roi rend ostensiblement des visites régulières à la recluse.
C’est au cours de l’une d’elles, le 5 décembre 1637, que Louis XIII envisage de se rendre à Saint-Maur. Dans les heures qui suivent, le temps se dégrade, compromettant le projet. Sur l’insistance du capitaine de ses gardes et de Louise-Angélique elle-même, le roi regagne le Louvre. Profondément perturbé dans sa vie affective, le souverain, pour
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