Richelieu ou la quête d'Europe
tromper cette mélancolie qui le ronge, rejoint son épouse, dîne, puis passe la nuit avec elle. Anne d’Autriche est une nouvelle fois enceinte.
La fin de l’année 1637 est difficile pour Richelieu. Autour de Marie de Hautefort, de Louise-Angélique de La Fayette, de Gaston d’Orléans, du comte de Soissons et du père Caussin, le nouveau confesseur du roi, s’organise une conspiration feutrée, à laquelle le principal ministre a toutes les peines du monde à faire face. Le malaise est né en 1636, au moment de l’affolement qui a suivi la prise de Corbie par les Espagnols. Le roi a découvert les faiblesses de son ministre, et commence à s’interroger sur un mode de gouvernement que beaucoup jugent inique et autoritariste. Qui plus est, les relations entretenues par le cardinal avec la reine font l’objet de pernicieux ragots, que le père Caussin n’est pas le dernier à véhiculer. Rumeur d’une passion contrariée qui expliquerait l’acharnement d’un soupirant éconduit.
L’affaire a pris toute son ampleur dans les mois qui ont précédé la découverte du complot de la reine. Le 2 août 1636, le cardinal a invité Anne d’Autriche en son château de Rueil pour une « collation somptueuse » [1] . En mettant en scène son humanité, en dévoilant des sentiments qu’il était d’usage de taire, qu’il était même nécessaire de dissimuler, le ministre de Louis XIII aurait fait preuve d’une faiblesse dont se sont emparés ses détracteurs. Mais n’est-ce pas plutôt l’attachement à la royauté et à la famille royale qui a dicté l’initiative, la nécessité impérieuse de prouver sa loyauté ? Quelques semaines plus tard, nouvel incident : le carrosse du cardinal croise celui d’Anne d’Autriche aux Tuileries. Richelieu fait arrêter son cocher mais la reine refuse d’en faire autant.
La découverte des intrigues avec l’ Espagne ne fait qu’envenimer la situation. Au cours de l’été 1637, Anne d’Autriche demande à son confesseur, le père Fernandez, de lui amener le père Caussin et dénonce une machination orchestrée par le cardinal, pour se venger de l’incident des Tuileries. Patrocle, le cocher de la reine, véhicule opportunément des rumeurs concordantes. Il revient au roi d’arbitrer le conflit. Tout au long de l’automne, les rapports entretenus par le souverain et son ministre ne cessent de se détériorer. Louis XIII rend de plus en plus souvent visite à Louise-Angélique de La Fayette. Le 8 décembre, il a un entretien confidentiel avec son confesseur, qui lance une lourde charge contre Richelieu et plaide pour une réconciliation avec Marie de Médicis. Apprenant les faits, Richelieu offre son retrait. Mais c’est le roi qui se rend chez le cardinal pour obtenir les arguments contradictoires. Comme en novembre 1630, Richelieu convainc Louis XIII et sort vainqueur de la crise. Le père Caussin est exilé à Rennes . Richelieu obtient aussi que les terres d’Aiguillon concédées à Puylaurens soient enlevées à ses héritiers et érigées en duché-pairie au profit personnel de Mme de Combalet, qui devient donc duchesse d’Aiguillon le 1 er janvier 1638. Seule embellie dans un ciel bien sombre, le 10 février, la grossesse d’Anne d’Autriche est officiellement rendue publique. Sur les conseils du père Joseph, Louis XIII voue le royaume à la Vierge, des prières spéciales sont récitées pour la naissance d’un héritier. Une autre affaire perturbe déjà la conscience politique et religieuse de Richelieu.
Au mois d’août 1637, un jeune avocat, Antoine Le Maître, neveu de l’abbesse de Port-Royal, Angélique Arnauld, décide à son tour de se retirer du monde. Antoine Le Maître est un protégé de Pierre Séguier. Il donne à sa retraite un caractère public en adressant au chancelier, au mois de décembre, une lettre qui est un véritable programme philosophique et dogmatique. Des copies circulent parmi les parlementaires et les grands ecclésiastiques parisiens. Le frère de Le Maître, M. de Séricourt, le rejoint bientôt, ainsi que des amis comme Claude Lancelot, et un prêtre, M. Singlin. À partir de janvier 1638, l’ascèse à laquelle s’astreignent les « solitaires » de Port-Royal fait de plus en plus parler d’eux. Richelieu craint des dérives dogmatiques qui pourraient être préjudiciables non seulement à l’Église, mais également à l’État, d’autant que l’abbé de Saint-Cyran devient le
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