Rive-Reine
veille par les inquiétants moines.
Debout, Axel tenta vainement de mettre la main sur ses vêtements, jetés la veille sur un coffre. Nul doute, ils avaient été cachés par Adry ! C’était une taquinerie dont elle était bien capable ! Présomptueux, il pensa qu’elle avait agi ainsi pour qu’il ne quittât pas la chambre en son absence. Peut-être estimait-elle, cette femme aux sens infatigables, que son amant pourrait reprendre le concert voluptueux où le sommeil et la fatigue l’avaient interrompu.
Comme Axel se sentait, malgré sa bouche amère, un appétit d’ogre, et que la cheminée ne contenait plus que des braises rougeoyantes qui ne dispensaient pas de chaleur dans la pièce glacée, il se prit à imaginer qu’Adriana allait réapparaître avec un somptueux repas, du thé ou du café brûlant. De quoi restaurer ses forces et réchauffer son sang. Il se recoucha, tira sur lui la couverture faite de peaux de loup cousues et laissa errer son regard sur la chambre. Sa rêvasserie s’interrompit quand il découvrit, suspendue à l’une des colonnes du baldaquin, une de ces horribles robes de bure marron que portaient les moines tsiganes employés à la fonderie d’or. Il sauta hors du lit, décrocha la défroque qui puait le suint. Un papier y était épinglé, sur lequel il reconnut la haute écriture d’Adriana : « Pardonne cet emprunt de tes vêtements, mais je n’ai pas d’autre moyen pour faire évader d’ici un jeune moinillon auquel je m’intéresse fort. Peut-être ne nous reverrons-nous de longtemps. Je suis certaine que tu sauras sortir de Koriska. Évite les Tsiganes masqués de ma mère. Ce sont des fauves. Au revoir, Xilou. » Adrienne l’avait prévenu. Ceux qui perçaient le secret de Koriska n’en sortaient plus !
Malgré son dégoût, Axel, qui dès cet instant ne pensa qu’à fuir le château maudit, se résolut à passer le détestable froc et se dirigea vers la porte. Il constata avec colère qu’elle était verrouillée de l’extérieur. Par la seule fenêtre, qu’il ouvrit rageusement, il constata, non sans terreur, qu’il se trouvait à la hauteur d’un troisième étage. Les aspérités des pierres et des encorbellements pouvaient, estima-t-il, lui permettre de descendre dans une sorte de cour. Se souvenant de tous les récits d’évasion lus dans les romans de Walter Scott, il était occupé à découper les draps en bandes, à l’aide de la dague du comte Ugo, quand la porte s’ouvrit. Un moine apparut, qui traversa la pièce pour poser sur la table un plateau supportant une théière fumante et des tranches de pain. En voyant Axel affublé d’un froc semblable au sien, le religieux ricana avec insolence.
En un éclair, Axel fut sur l’homme, lui dévoila la face d’un geste brutal et le saisit aux épaules.
– J’exige qu’on me rende mes vêtements, afin que je puisse sortir d’ici promptement, dit-il.
L’interpellé, assez fort pour se dégager, allait réagir efficacement quand il découvrit le regard vairon d’Axel. Manifestement impressionné, il s’inclina et prononça une phrase incompréhensible, prouvant qu’il n’entendait pas le français. Comme le moine reculait vers la porte, sans quitter Axel des yeux, ce dernier le saisit par sa cordelière, le retint fermement et lui pointa sur la gorge l’arme des Malorsi. Le moine, effrayé, proféra dans son dialecte ce qu’Axel imagina être une supplique, mais le moment d’agir était venu. Il fit comprendre au religieux qu’il devait mettre ses deux mains sur la tête et se retourner face au mur. La détermination d’Axel était déjà prise. Il devait se débarrasser de l’homme, s’emparer du trousseau de clés qui pendait à sa ceinture et fuir au plus vite. Restait à accomplir le geste qui pouvait faire d’un honnête Vaudois un criminel. Se saisissant du tisonnier, il frappa le moine à la base du crâne en s’efforçant de doser la violence du coup. L’homme s’affaissa sans un gémissement.
« Pourvu que je ne l’aie pas tué », se dit Axel en tremblant. Il eut tôt fait, au moyen de la cordelière, d’immobiliser sa victime mains au dos puis, à l’aide d’une bande de toile prise au drap, de lui entraver les chevilles avant d’asseoir l’inconscient à un montant du baldaquin, auquel il l’attacha par le cou, sans laisser de mou au lien. Sa dague dans une main, le tisonnier dans l’autre, il quitta la chambre, y
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