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Rive-Reine

Rive-Reine

Titel: Rive-Reine Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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le fils de Guillaume Métaz, vous ne me reconnaissez pas ?
     
    – Oh ! mon Dieu, j’te remettais pas, mon garçon ! Eh ben, vrai, ce qu’t’as grandi ! Si tu veux rentrer chez toi, faut aller chercher ta clé chez la Pernette : c’est elle qui la garde.
     
    Pernette Métayer, d’abord nourrice d’Axel, puis de Blandine, avait été engagée, quand les enfants n’avaient plus eu besoin de soins particuliers, pour seconder la vieille Polline. Cette dernière, scandalisée par la conduite de Charlotte, avait refusé de suivre sa maîtresse à Lausanne : « Une petite que j’ai élevée, nous faire ça ! » s’était-elle écriée. Elle avait regagné son village natal de la Gruyère pour, disait-elle, « attendre la mort en priant, afin que la femme adultère n’aille pas brûler pour l’éternité dans les feux de l’enfer ».
     
    Pernette, en revanche, avait tenu le ménage de Guillaume et de sa fille Blandine jusqu’à leur départ pour l’Amérique. En attendant le retour d’Axel, M. Métaz l’avait chargée de « faire la propreté et donner de temps en temps un coup d’air à la maison ».
     
    Elle, habituellement taciturne et effacée, accueillit Axel avec des transports de joie qui se terminèrent dans les larmes.
     
    – La maison est bien propre, mais j’y vais le moins possible. Ça me fait un drôle d’effet, ce silence et ce vide, parce que le père et la Blandine, ils ont emporté beaucoup de meubles. Et puis, après tout ce qui s’est passé, j’ai l’impression que le Servant 2 me guette !
     
    – Le passé, nous n’en parlons plus, Pernette, et le Servant est une invention de vieille femme. Tu vas rouvrir la maison et, si tu veux t’occuper de mon ménage, tu seras ma gouvernante. Je te paierai bien. Tu n’es pas encore mariée ?
     
    – Dis, j’ai plus l’âge ! Y’a belle lurette que j’ai coiffé sainte Catherine ! Même quand je vais chez moi, dans le pays d’En-Haut, il se trouve plus un seul garçon pour venir me faire kiltgang 3 le samedi soir ! Mais je n’suis pas malheureuse comme ça. Et puis, les hommes, hein, on peut s’en passer plus facilement que d’ouvrage !
     
    Axel parcourut sans émotion la maison qu’il avait quittée cinq mois plus tôt. Il trouva, bien en vue dans sa chambre, rédigée par Guillaume, la liste des meubles et objets que celui-ci avait emportés en Amérique, tous venus de sa propre famille ou achetés par lui depuis son mariage. Scrupuleux comme toujours, Guillaume avait même joint, à l’intention de son fils, des copies de certaines factures. La phrase calligraphiée sous la liste provoqua sur les lèvres d’Axel un sourire amer : « Rien qui ne m’appartienne, mais tout ce qui m’appartient. » « Rigoureux mais honnête », se dit le jeune homme.
     
    La chambre de Charlotte était intacte, mais dans le salon ne subsistaient que deux fauteuils, la pendule et les chandeliers apportés par l’épouse de chez ses parents. Le mobilier de la chambre de Blandine et celui de la chambre du maître de maison avaient disparu.
     
    La nouvelle de son retour s’étant répandue dans le quartier, sans doute grâce à la mère Chatard, Axel n’était pas à Rive-Reine depuis une demi-heure qu’il vit arriver Simon Blanchod. Le vieil homme lui donna l’accolade et, le prenant aux épaules, le considéra un instant, les yeux embués de larmes.
     
    – Te voilà enfin ! Par sainte Barrique ! Depuis son départ, ton père m’a écrit pour me demander si tu avais donné de tes nouvelles. Il va bien et ta sœur aussi, mais il doit se faire du souci pour ton avenir. Maintenant que tu as jeté ta gourme, que comptes-tu faire ?
     
    – Terminer mes études, rattraper le temps perdu, passer mes examens en juin et prendre ma place ici, parrain Simon. C’est ce que j’ai promis à mon père. Nous continuerons, bien sûr, à l’appeler ainsi, conclut Axel avec autorité.
     
    – Bien sûr, se contenta de répondre le vieux vigneron.
     
    Axel vit Blanchod tel qu’il l’avait laissé, un peu voûté, marqué de quelques rides supplémentaires, mais encore solide sur ses jambes. Sa toison blanche et drue lui faisait une tête de patriarche. Quand le vigneron eut maîtrisé l’émotion du moment, le jeune homme retrouva, dans le regard bleu de son parrain, vivacité et malice. La serpette qui pendait à la ceinture du vigneron indiquait qu’il allait se rendre dans les vignes pour tailler les

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