Robin
approchant. Il gratifia le prêtre d’une grande tape dans le dos.
« Vous pouvez dire que vous l’avez échappé belle. Et les autres, ceux du
gué, est-ce qu’ils vous ont vu ?
— Non, Jean. Ils ont tous pris
la fuite la queue entre les jambes. » Le souvenir le fit sourire.
« Vous leur avez fait la peur de leur vie, croyez-moi. »
Bran hocha gaiement la tête.
« Bien. » Puis, se tournant vers Iwan : « Va chercher les
chevaux. Nous allons rejoindre Siarles comme prévu.
— Tuck aussi ? s’enquit
Iwan.
— Bien sûr. » Bran fit
volte-face et se mit en route.
« Attendez, intervint
l’ecclésiastique. Je suis venu en Elfael pour vous trouver. J’ai quelque chose
d’important à vous dire.
— Plus tard, répondit Bran.
Nous avons un long chemin à faire avant midi. Notre journée est loin d’être
finie. Viens, dit-il en faisant signe au prêtre de le suivre. Tu as beaucoup à
apprendre. »
La piste était étroite, et les
chevaux rapides. Ils martelaient résolument le sol de leurs sabots malgré les
branches de noisetier qui les fouettaient au passage. Bran, juste derrière
Iwan, cinglait de ses rênes le garrot de sa monture pour la pousser à forcer
l’allure. Le sentier continuait à monter et s’incurvait vers le nord ; une
fois au sommet, ils l’abandonnèrent pour en emprunter un autre, qui partait
vers le nord en direction de l’orée de la forêt. La chevauchée aurait pu être
plus rapide encore sans le supplément de poids qui se cramponnait à Bran de
toutes ses forces.
Après une descente abrupte dans un
défilé rocheux, la nature du terrain les força à ralentir l’allure. Des pierres
de la taille d’une maison se dressaient de chaque côté, formant un corridor
venteux et ombragé à travers lequel ils devaient avancer avec précaution. Quand
le sentier devint trop étroit, ils attachèrent leurs montures à un petit pin
qui poussait dans une fissure et poursuivirent à pied.
Ils suivirent en silence une
galerie de pierre si resserrée que leurs bras tendus auraient suffi à en
toucher les deux parois. Le chemin finit par déboucher dans une petite
clairière, où un homme les attendait, lui aussi vêtu d’une longue cape rapiécée
de vert. « Où étiez-vous ? » soupira-t-il vivement. Voyant le
prêtre aux jambes arquées qui peinait dans le sillage de Bran, il
s’enquit : « Qu’est-ce que vous avez dégotté là ? »
Ignorant la question, Bran lui
demanda : « Ils sont là ?
— Oui, répondit l’homme, mais
ils vont bientôt se mettre en route, si ce n’est déjà fait. » Avec
impatience, il ajouta : « Dépêchons-nous ! »
Bran se tourna vers son hôte.
« Tu dois jurer sur tout ce qui t’est cher de tenir ta langue à partir de
maintenant.
— Pourquoi ? Qu’est-ce
qui va se passer ? demanda Aethelfrith.
— Jure ! insista Bran.
Quoi qu’il arrive, tu dois le jurer.
— Sur mon âme à nu, je me
tairai, répondit le frère. Que tous les saints en soient témoins.
— Maintenant, va te
cacher. » Puis Bran fit face à Iwan. « Va prendre position. Tu sais
ce qu’on attend de toi. »
Les trois compagnons s’en furent à
grandes enjambées. Frère Aethelfrith demeura un instant immobile, retenant son
souffle, puis se précipita à leur suite. Bientôt, la forêt environnante
commença à s’éclaircir, et ils atteignirent un vallon jonché d’énormes rochers
disséminés parmi les arbres comme autant de montagnes miniatures. À son
extrémité, les bois prenaient fin et la vallée de l’Elfael s’ouvrait devant
eux.
Trois porchers déjeunaient sous un
grand hêtre situé à l’orée de la forêt – deux hommes et un garçon, qui se
passaient à tour de rôle un panier de nourriture. Tout autour d’eux, une bonne
trentaine de bêtes tachetées de gris et de noir fouissait le sol en quête des
derniers glands de l’année et des faines qui jonchaient le sol sous les arbres.
Sans un mot, Bran et ses deux
compagnons quittèrent le sentier pour s’enfoncer en hâte dans les broussailles
ombragées. Aethelfrith s’agenouilla au sol et attendit de voir ce qui allait se
passer.
Rien.
Son attention commençait à décliner
quand il entendit un des porchers crier. Se concentrant à nouveau sur le trio,
il les vit tous trois debout, le regard fixé sur les bois. Il ne pouvait
distinguer ce qui les avait ainsi troublés, mais il pouvait le deviner.
Ils restaient cloués sur place,
incapables
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