Robin
sentier se
divisait : à gauche, il continuait à longer le sommet, à droite, il
redescendait dans une cuvette rocheuse. Le prêtre s’arrêta pour reconsidérer la
question. La journée était déjà bien avancée, aussi mieux valait-il reprendre
son voyage de retour. Il fit volte-face et repartit sur ses pas, mais entendit
presque aussitôt des voix, des murmures intermittents plutôt, légers comme du
duvet de chardon, si faibles qu’il aurait plus les croire issus de son imagination.
Cependant, des années de vie
solitaire dans son oratoire sans autre compagnie que ses propres songeries lui
avaient rendu l’ouïe fine. Il retint sa respiration et attendit. Un nouveau
murmure, suivi du bruit caractéristique d’un éclat de rire, vint bien vite
récompenser sa vigilance.
Bien qu’aussi ténu qu’un fil
d’araignée, il lui donna la direction à suivre. Aethelfrith emprunta le sentier
de droite, celui qui descendait en pente raide derrière le faîte en direction
de la cuvette. Avec ses courtes jambes incapables de ralentir sa masse en
descente, il finit bientôt par dévaler la pente.
Il arriva dans la cuvette à toute
vitesse, trébucha sur une racine et s’écroula avec force grognements au pied du
gigantesque corbeau fantôme. Il leva lentement des yeux craintifs sur la
menaçante tête noire, qui l’observait avec une curiosité malveillante. Ses
formidables ailes se déployèrent, et la chose fondit sur lui.
Le prêtre roula sur le ventre pour
essayer d’éviter l’assaut, mais trop lentement : une solide prise s’était
déjà refermée sur son bras. « Que Dieu me vienne en aide !
hurla-t-il.
— Moins fort, siffla la
créature. Dieu pourrait t’entendre.
— Laissez-moi ! cria-t-il
en anglais, se tortillant comme une anguille pour se libérer. Laissez-moi
partir !
— Je te laisse le tuer, ou je
m’en occupe ? »
Aethelfrith tourna tant bien que
mal la tête, et vit s’avancer sur lui un homme grand et musclé. Il portait une
longue cape à capuchon sur laquelle on avait cousu une multitude de petites
chutes de tissu vert. Des brindilles, des branchages et des feuilles de toutes
sortes avaient également été attachés au singulier vêtement. Avec un froncement
de sourcils menaçant, il tira son épée de sa ceinture. « Je m’en charge.
— Attends un instant, dit le
corbeau d’une voix humaine. Ne le tuons pas tout de suite. Rien ne
presse. » Au prêtre, il lança :
« Vous vous trouviez au gué.
Est-ce que quelqu’un d’autre vous a suivi ? »
Occupé comme il l’était à essayer
de s’extraire de l’étreinte impitoyable du corbeau, le prêtre mit un moment à
se rendre compte que la créature s’était adressée à lui. Considérant de nouveau
son ravisseur, il vit en lieu et place des serres d’un oiseau les pieds bottés
d’un homme – d’un homme vêtu d’une longue cape entièrement recouverte de plumes
noires. Le visage qui le dominait avait l’inexpressivité d’un mort, mais
profondément enfoncés dans ses cavités oculaires, brillaient des yeux bien
vivants.
« Je vous le demande pour la
dernière fois, lui dit l’homme-corbeau. Est-ce que quelqu’un vous a suivi ?
— Non, sire, répondit le
prêtre. Je suis venu seul. Au nom du Seigneur, ne peut-on pas mettre les choses
au clair ? Je suis un prêtre, quand même !
— Tu l’as dit,
Aethelfrith ! gronda la créature, qui le libéra aussitôt.
— Pax vobiscum ! s’écria
le prêtre en se relevant tant bien que mal. Je n’avais pas de mauvaises
intentions. Je voulais simplement…
— Tuck ! » s’exclama
l’homme qui portait la cape couverte de feuilles.
D’une main gantée de noir, la
créature saisit son bec de corbeau et le retira.
« Doux Jésus ! s’étrangla
le frère stupéfait. Bran ?
— Salutations, Tuck. »
Bran partit d’un grand rire. « Qu’est-ce qui t’amène dans nos bois ?
— Mais vous êtes mort !
— Pas autant que certains le
souhaiteraient, dit-il en tirant son capuchon en arrière. Mais, dis-nous,
comment as-tu fait pour arriver ici ?
— Un capuchon ! s’écria
le frère, qui exultait à présent. C’est juste un capuchon !
— Rien de plus, admit Bran.
Que fais-tu ici ?
— Je suis venu pour vous, Bran. » Éberlué, le frère ne cessait de fixer l’étrange costume. « Et
vous voici. Par la barbe de saint Pierre, vous effraieriez un mort !
— Frère Tuck ! » lui
lança Iwan en
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