Robin
sans
permission, l’avez-vous bien noté ? » Les nobles hochèrent la tête
d’un air sévère. « Ce n’est pas la première fois qu’ils y pénètrent
impunément. Combien étaient-ils cette fois ?
— Sept chevaliers et quinze
hommes d’armes, sans compter les conducteurs et les domestiques pour trois
chariots. Comme je le disais, ils ne sont revenus qu’hier, pour la plupart à
pied, et sans le moindre chariot.
— Vraiment ?
— On parle d’une attaque dans
la forêt. Vu que certains d’entre eux étaient blessés, cela semble plausible.
— Savent-ils qui a perpétré
l’attaque ?
— Sire, il y a des racontars…
de simples rumeurs. » Le soldat fixait les deux nobles qui se tenaient
tout près, hésitant.
« Eh bien ? Si vous le
savez, parlez.
— On dit que le convoi a été
attaqué par le fantôme de la forêt.
— Mon Dieu* ! »
s’exclama Remey, incapable de réprimer sa surprise.
Neufmarché jeta un regard hâtif
par-dessus son épaule. Les deux jeunes femmes suivaient la conversation.
« Veuillez nous excuser, mes dames. Ce n’était pas destiné à vos
oreilles. » Puis, à ses hommes : « Venez, nous allons parler de
cette question en privé. » Sur ce, il les conduisit dans la tente,
abandonnant Mérian et dame Sybil à leur solitude.
« Le fantôme* ! murmura
Sybil, stupéfiée. J’en ai entendu parler. C’est une créature gigantesque,
non ?
— Oui, très grande, énorme,
dit Mérian en l’attirant contre elle pour partager ce délicieux secret. Les
gens l’appellent le Roi Corbeau. Elle hante la forêt des Marches.
— Incroyable* ! s’écria
Sybil, le souffle coupé. Les prêtres prétendent que c’est tout à fait
impossible, n’est-ce pas* ?
— Oh non, c’est la
vérité. » Mérian hocha la tête avec assurance. « Les Cymry croient
que le Roi Corbeau est apparu pour défendre les terres au-delà des Marches.
Qu’il protège le Cymru, et que rien ne peut le vaincre, soldats, armées, pas
même le roi William le Rouge en personne. »
CHAPITRE 44
Vêtus comme d’humbles marchands de
laine, Bran, Iwan, Aethelfrith et Siarles traversèrent promptement les Marches
et pénétrèrent en Angleterre. De bien étranges marchands à dire vrai :
quatre hommes chevauchant de robustes montures galloises, évitant totalement
les villes, ne voyageant que de nuit, menant chacun un cheval de bât chargé de
provisions et de leurs marchandises, à savoir trois sacs de laine rembourrés.
La journée, ils dormaient à l’abri d’un bosquet, dans une clairière ou un
vallon isolé, l’un d’eux toujours chargé de faire le guet.
Arrivés à Lundein bien avant que
les portes de la ville ne s’ouvrent, ils durent attendre que des gardes aux
yeux ensommeillés finissent par ouvrir la traverse avec force bâillements et
les autorisent à entrer. Les voyageurs se rendirent tout d’abord à l’abbaye de
la Sainte Vierge Marie où, après un bain d’eau froide, ils mirent des vêtements
propres et allèrent se restaurer en compagnie des moines. Revigorés, ils
partirent alors avec leurs chevaux de bât dans les rues étroites de la ville en
direction de la tour. Parvenus au mur extérieur de la forteresse, ils se
renseignèrent auprès du portier sur les modalités d’audience avec le cardinal
Ranulf de Bayeux, Premier Juge d’Angleterre.
« Il n’est pas là, les informa
le portier. Il est parti régler des affaires royales.
— S’il vous plaît mon ami,
hasarda Aethelfrith, pourriez-vous nous dire où nous pourrions le
trouver ? C’est de la plus haute importance.
— À Winchester, répondit le
portier. C’est là-bas qu’il faut le chercher. »
Bran et Iwan échangèrent un regard
perplexe. « Où ça ?
— À Caer Wintan, le pavillon
de chasse du roi, expliqua le frère à l’intention de ses amis gallois. Ce n’est
pas loin, peut-être deux jours de chevauchée. »
Les quatre compagnons reprirent
leur voyage, ne s’arrêtant que pour se réapprovisionner sur les étals des
fermiers situés le long de la rivière juste avant King’s Bridge. Une fois
sortis de la cité, ils prirent la route de l’ouest en direction de la résidence
royale de Winchester. Chevauchant jusqu’à la nuit tombée, se levant tôt et ne
prenant que peu de repos tout au long du trajet, ils atteignirent l’ancienne
garnison romaine deux jours plus tard. Aux portes de la cité, on les orienta
vers le pavillon de chasse du roi
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