Robin
de ses lourdes pièces d’or. « C’est… c’est un
miracle.
— Le Bon Dieu aide ceux qui
s’aident eux-mêmes, dit Tuck en vidant les pièces qui se trouvaient dans les
replis de sa robe dans le bol posé devant lui. « Béni soit le nom du
Seigneur !
— Combien y a-t-il en
tout ? demanda Bran en contemplant leur trésor.
— Plus qu’assez pour payer les
travailleurs, fit observer Angharad depuis son tabouret. Bien plus. » Elle
se leva et alla ramasser une peau de cerf sur sa couche. Après l’avoir étendue
sur le sol à côté du prêtre agenouillé, elle lui dit : « Comptez-les
là-dessus.
— Et comptez-les à voix haute,
histoire que nous puissions tous entendre, ajouta Siarles.
— Aidez-moi, dit le prêtre.
Faites des piles de douze. »
Ses deux compagnons s’assirent à
ses côtés et entreprirent de regrouper les pièces d’argent en petits tas d’un
shilling, puis frère Tuck commença à les dénombrer un par un. Siarles, se
servant d’un morceau de bois carbonisé, en tenait le compte en l’inscrivant sur
une des pierres du foyer, l’annonçant chaque fois qu’ils atteignaient les
quatre ou cinq tas, et criant le total à chaque mark : cent… cent
soixante-quinze, deux cents…
Les femmes de Cél Craidd leur
apportèrent à manger – un cuissot de viande rôtie découpé dans un des
bœufs abattus et quelques gâteaux d’orge récupérés dans les provisions destinées
à l’abbé Hugo. Le compte se poursuivit au son de leur repas.
Au bout d’un moment, ils
entendirent des voix à l’extérieur de la hutte. « Ton peuple commence à se
montrer curieux, dit Angharad. Ils ont assez patienté. Tu devrais aller leur
parler, Bran. »
Après s’être levé, le jeune homme
marcha jusqu’à la porte et repoussa la couverture en peau. À l’extérieur se
trouvait toute la population du campement – quarante-trois âmes en
tout – regroupée sur le sol autour de la hutte. Enveloppés dans leur cape,
ils discutaient calmement entre eux. On avait allumé un feu, autour duquel
dansaient des enfants pieds nus.
« Nous sommes toujours en
train de compter l’argent, leur dit-il simplement. Je viendrai vous parler
quand nous aurons fini.
— Ça prend un sacré bout de
temps, fit remarquer l’un des hommes.
— Il y en a beaucoup.
— Dieu soit loué, dit un
autre. Combien ?
— Plus que nous ne
l’espérions, répondit Bran. Votre patience sera récompensée, ne vous inquiétez
pas. »
Il retourna dans la hutte.
« Trois cent cinquante…, débitait Siarles en faisant une autre marque sur
la pierre, quatre cents…
— Quatre cents marks !
s’étrangla Bran. Pourquoi transportaient-ils autant d’argent ?
— Il est en train de se
préparer quelque chose dont nous n’avons pas entendu parler, expliqua Angharad.
Et en voici la preuve. »
Tuck, qui continuait à compter,
toussa pour les faire taire. Et le total continua à croître.
Quand l’ultime penny d’argent fut
passé entre leurs mains, celui-ci atteignait quatre cent cinquante marks. Et il
restait les sacs de cuir du dernier coffre. Aethelfrith se mit à la tâche, sur
la base de dix marks par pièce d’or. Les autres retenaient leur souffle en le
regardant disposer les besants d’or en belles petites tours de dix.
Quand il en eut fini, Tuck releva la
tête et, d’une voix où perçait un émerveillement tranquille, annonça :
« Sept cent cinquante marks. Soit cinq cents livres sterling.
— Est-ce que j’en crois mes
oreilles ? s’étouffa Iwan, écrasé par l’énormité du butin. « Cinq
cents pounds…» Il considéra Bran, puis Angharad. « Qu’avons-nous
fait ?
— Nous avons racheté l’Elfael
à ces Ffreincs puants, déclara Bran. En se servant de leur propre argent qui
plus est. Justice sommaire, en quelque sorte. »
Tournant les talons, il sortit de
la hutte pour annoncer la nouvelle à ceux qui attendaient au-dehors. Angharad,
qui l’avait accompagné, leva ses mains et dit : « Silence. Rhi Bran
va parler. »
Quand les murmures se furent
éteints, Bran se lança : « Tous nos efforts nous ont rapporté cinq
cents pounds – plus qu’assez pour s’acquitter du prix de rachat que
William le Rouge a fixé. Nous allons racheter nos terres ! »
Les soudaines huées d’acclamation
le prirent par surprise. Entendre ces hourras et voir tous ces visages heureux
au clair de lune le ramenèrent en un autre endroit, en un autre temps.
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