Robin
impulsion de mettre l’Elfael et tous ses problèmes
aussi loin de lui que possible.
Au bout d’un moment, Iwan demanda à
Ffreol de lui parler de Lundein. Le prêtre s’y était rendu à plusieurs reprises
ces dernières années pour des affaires religieuses, aussi put-il décrire à Bran
et à Iwan ce à quoi ils devaient s’attendre en arrivant là-bas. La nuit tomba
autour d’eux pendant qu’il leur parlait ; ils continuèrent à nourrir le
feu jusqu’à se sentir trop fatigués pour garder les yeux ouverts. Ils finirent
par s’enrouler dans leurs capes et s’endormirent dans le bosquet tranquille.
Debout à l’aube, les voyageurs
secouèrent leurs vêtements pour en ôter les feuilles et la rosée, donnèrent à
boire aux chevaux et reprirent leur route. La journée ressembla à la
précédente, sinon que les villages se firent plus nombreux et la présence
anglaise plus marquée dans les campagnes. Bran finit par se convaincre qu’ils
avaient laissé la Bretagne loin derrière eux. Ils se trouvaient à présent dans
une contrée étrangère, aux maisons petites, sombres et inhospitalières, aux
gens sinistres vêtus d’étranges costumes grossiers brun foncé qui observaient
avec suspicion les voyageurs de passage de leurs yeux ternes de paysans. Malgré
les rayons du soleil qui venaient éclairer un ciel sans nuages, ces terres
semblaient lugubres, malheureuses. Même les animaux, derrière leurs barrières
de saule, paraissaient moroses.
Et cela n’allait pas en
s’améliorant. Plus ils descendaient vers le sud, et plus la campagne était
triste. Des habitations de toutes sortes avaient poussé là plus
nombreuses – les Anglais aimaient tant leurs villages –, sans pour
autant paraître salubres. Rassemblés dans une promiscuité qui suffoquait Bran
partout où l’on trouvait une surface plane et un peu d’eau courante, ces taudis
avaient poussé comme des champignons nocifs sur une terre dénuée de la moindre
verdure ou même d’arbres – dont les pauvres hères qui vivaient là se
servaient pour construire leurs maisons difformes, leurs granges et leurs
étables. Les animaux d’élevage étaient gardés dans des enclos gorgés de boue à
proximité des basses demeures fumantes.
Un voyageur était ainsi capable de
sentir une ville anglaise bien avant de l’atteindre, et Bran ne pouvait que
secouer la tête d’étonnement à la seule idée de vivre continuellement dans
cette forte odeur de fumée nauséabonde. À ses yeux, ces gens ne vivaient pas
mieux que les porcs qu’ils nourrissaient, abattaient et consommaient.
Vers la fin de l’après-midi, les
trois cavaliers franchirent la crête d’une large colline qui donnait sur l’arc
miroitant de la rivière Hafren. La légère brume brunâtre qui enveloppait la
vallée leur cachait leur destination du soir : la ville de Gleawancaester,
jadis sortie de terre pour servir de modeste avant-poste à la légion romaine
Augusta XX. Devant sa position éminente à proximité de la rivière et de mines
de fer, cette cité née du travail des vétérans de la légion avait peu à peu
grandi au fil des siècles jusqu’à l’arrivée des Anglais, qui l’avaient
transformée en capitale commerciale de la région.
La route s’élargissait à mesure que
l’on s’approchait de la ville, la pire que Bran ait jamais vue – pour la
simple et bonne raison que c’était la plus grande qu’ils aient traversée
jusque-là. Tapie au bord de l’eau, pleine de rues sinueuses et étroites bordées
de masures bondées entourant une gigantesque place du marché centrale en terre
battue, Gleawancaester – Caer Gloiu pour les Bretons – était depuis
longtemps devenue trop grande pour les solides murs de pierre de la garnison
romaine, murs qu’on pouvait toujours distinguer dans les assises inférieures de
la forteresse récemment remise à neuf.
À l’instar des autres défenses de
la cité – un mur et des portes, toujours en construction – un nouveau
pont de pierre et de bois témoignait de l’occupation ffreinc. Les ponts
normands étaient larges et solides, construits pour résister à un lourd trafic
et assurer un flot régulier de chevaux, de bétail et de chariots de marchandise
entre les différents marchés.
Bran remarqua un surcroît
d’activité à mesure qu’ils s’approchaient du pont. Ici et là, de grands
Ffreincs rasés de près progressaient parmi les habitants anglais plus petits et
moins pâles. À
Weitere Kostenlose Bücher