Robin
prêtre.
— Une abbaye remplie de
Ffreincs, à n’en point douter, maugréa Bran. Vous pouvez y aller si ça vous
chante, moi je n’y mettrai pas les pieds.
— Je suis d’accord avec
lui », opina Iwan d’une voix engourdie par la douleur. Il s’assit au bord
du chenal, voûté comme pour protéger sa blessure.
Sans que Ffreol ne prononce la moindre
parole, ils montèrent en selle et reprirent leur route. Ils traversèrent le
pont, puis s’engagèrent dans l’étendue chaotique de rues boueuses et
d’habitations basses de toit. La fumée des fourneaux emplissait les rues ;
tous les gens que Bran croisait se précipitaient chez eux soit avec du bois de
chauffage dans leur dos, soit les mains pleines de nourriture – un poulet
fraîchement tué prêt à être rôti, des tranches de lard, quelques poireaux, un
ou deux navets. La vision de tous ces aliments lui rappela qu’il n’avait pas
beaucoup mangé ces derniers jours, et il sentit la faim le tirailler comme s’il
avait reçu un coup de pied dans l’estomac. À l’odeur de la viande rôtie dans
l’air du soir, sa bouche commença à saliver. Il s’apprêtait à suggérer à frère Ffreol
de retourner au centre-ville pour trouver une auberge à proximité de la place
du marché quand le moine déclara soudain : « Je sais où nous
sommes ! » Il mit son cheval au trot et prit la direction de la
vieille porte sud. « Par ici ! »
Le prêtre conduisit ses compagnons
réticents hors de la ville et s’engagea sur la route en pente abrupte qui
longeait la berge. Peu après, ils atteignirent un bosquet d’arbres situé sur le
promontoire qui dominait la rivière et la ville. « Et voilà… exactement comme
dans mon souvenir ! »
Bran jeta un œil à l’étrange
structure octogonale en bois. Elle possédait un haut toit en pente raide ainsi
qu’une porte basse surmontée d’un linteau à la courbe curieuse. « Une
grange ? Vous nous avez conduits à une grange ?
— Pas une grange, lui assura
le moine tout en glissant de sa selle. C’est une ancienne cellule.
— Une cellule de
prêtre. » Sceptique, Bran fixait l’édifice. Aucune croix n’ornait la
structure, aucune fenêtre, rien à l’extérieur qui puisse indiquer sa fonction.
« En êtes-vous sûr ?
— Saint Ennion, béni soit-il,
a vécu ici, expliqua Ffreol en s’approchant de la porte. Il y a très
longtemps. »
Bran haussa les épaules. « Et
qui vit ici à présent ?
— Un ami. » S’emparant
d’une corde tressée alignée sur un des montants de la porte, le moine tira
dessus sans ménagement. Le son d’une cloche retentit quelque part à
l’intérieur. Ffreol, tout sourire à la perspective d’un accueil chaleureux,
tira dessus une fois encore : « Vous allez voir. »
CHAPITRE
7
Ffreol attendit un moment ;
comme personne ne répondait, il refit une tentative plus énergique. La cloche
sonna une fois encore – un carillon cristallin dans l’air doux du soir.
Bran regardait autour de lui, embrassant des yeux le vieil oratoire et ses
alentours.
La cellule se trouvait juste devant
un petit bosquet de hêtres dominant la rivière. Le sol était couvert d’une
herbe épaisse traversée par un chemin de terre qui menait à flanc de coteau
jusqu’à la ville. Jadis, elle avait fait office de lieu saint. À présent elle
donnait sur la sordide perspective de la ville marchande grouillante
d’activité, avec sa foule, ses charrettes et ses lents bateaux transportant du
minerai de fer jusqu’aux vaisseaux au mouillage dans les quais plus grands
situés en aval.
Après un troisième essai
infructueux, Ffreol se retourna en se grattant la tête. « Il doit être
sorti.
— Ne pourrait-on pas
simplement entrer ? suggéra Bran.
— Peut-être », concéda
Ffreol. Posant la main sur la lanière de cuir qui servait de clenche, il tira
dessus ; la porte s’ouvrit d’elle-même vers l’intérieur. Il passa la tête
dans l’interstice. « Pax vobiscum ! cria-t-il, dans l’attente
d’une réponse. Il n’y a personne ici. Attendons-le à l’intérieur. »
Ils aidèrent un Iwan grimaçant de
douleur à descendre de cheval et le firent pénétrer dans la cellule.
« Repose-toi », lui dit Bran avant d’aller conduire les bêtes dans le
bosquet derrière le bâtiment ; il les débarrassa rapidement de leurs
selles et les attacha sous les arbres, de sorte qu’ils puissent brouter. Dans
un bénitier accolé à la cellule, il
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