Robin
venu à tellement se reposer
sur son service qu’il ne supporte plus de le voir parti plus d’un jour ou deux.
Le baron m’a cependant chargé de lui faire un rapport complet sur tes actions
et acquisitions.
— Bien sûr* ! Tu
peux compter sur moi », fit Falkes d’une voix que la nervosité rendait un
peu trop forte. Se tournant vers les chevaliers et hommes d’armes qui
accompagnaient Philip, il ajouta : « Messires, vous êtes les
bienvenus ici. Vos quartiers vous attendent, et un festin a été préparé pour
votre arrivée. Mais avant cela, j’aimerais que vous vous joigniez à moi pour
boire une coupe de vin. »
Puis il conduisit ses invités dans
la grande salle, dont les murs récemment nettoyés étaient aussi immaculés que
les Sept Vierges. De jeunes joncs de paille avaient été répandus sur le sol en
bois frotté au sable, emplissant la gigantesque pièce d’une forte odeur de foin
fauché. Un gros tas de bûches flamboyait dans le foyer situé à l’autre bout de
la pièce ; sur une broche en fer, la moitié d’un bœuf rôtissait doucement
en répandant un jus grésillant sur un plateau posé dans les charbons ardents.
Plusieurs tables sur tréteaux
avaient été érigées, recouvertes de nappes et parées de branches de sapin.
Tandis que les hommes s’installaient sur les longs bancs, l’intendant et ses
serviteurs remplirent tout un assortiment de récipients d’un vin rapporté
d’Aquitaine. Lorsque chacun des invités eut un verre en main, leur hôte leva
son calice. « Mes amis, buvons au roi William et à sa bonne santé !
Que son règne soit long !
— Au roi William ! »
reprirent-ils en cœur avant de vider la première des nombreuses coupes de la
nuit à venir. Les hommes ainsi rassérénés, la célébration se transforma bientôt
en fête, et l’anxiété du comte Falkes laissa doucement place à un agréable
contentement aviné. Son cousin Philip semblait satisfait de ses efforts, et
ferait certainement un rapport élogieux à son oncle à son retour. À mesure que
la soirée avançait, Falkes devenait de plus en plus jovial, exhortant ses hôtes
à manger et à boire tout leur soûl ; puis il invita ses propres hommes et
certaines de leurs femmes à se joindre aux festivités. Ceux qui savaient jouer
de la musique apportèrent leurs instruments, et la salle se remplit de chants
et de danses jusque tard dans la nuit.
Ce ne fut par conséquent que tard
le lendemain que Falkes et Philip trouvèrent l’occasion de s’asseoir ensemble.
« Tu t’es bien débrouillé, cousin, affirma Philip. Père répétait sans
cesse que l’Elfael était un fruit mûr à cueillir.
— Comme il disait vrai,
convint volontiers Falkes. J’espère que tu lui diras combien je lui suis
reconnaissant de m’avoir fait confiance. Voilà longtemps que j’attendais de
pouvoir lui faire la démonstration de ma loyauté et de ma gratitude.
— Sois assuré que je le lui
dirai, répondit Philip. À dire vrai, il m’a chargé de te confier un secret,
pour peu que tout aille bien.
— J’espère t’en avoir
convaincu.
— Ça ne pourrait aller mieux.
Aussi ne puis-je résister à t’informer que le baron entend faire de l’Elfael sa
tête de pont pour la conquête de nouveaux territoires.
— Quels territoires ?
s’enquit Falkes.
— Le Selyf, le Maelienydd et
le Buellt.
— Trois commots !
s’exclama Falkes. Voilà qui est… ambitieux. »
Falkes n’aurait jamais imaginé que
son oncle nourrissait des plans d’une telle envergure. Mais, dès lors qu’il
avait l’approbation du roi, qu’est-ce qui empêchait le baron de Braose de
prétendre au pays de Galles tout entier ?
« Ambitieux, à n’en point
douter, convint aimablement Philip. Mon père est déterminé, et suffisamment
fortuné pour atteindre ses objectifs.
— Loin de moi l’idée d’en
douter.
— Bien, fit Philip comme si
une question épineuse venait d’être réglée. À cette fin, le baron te demande de
lui faire un rapport complet sur la région avant le printemps.
— Avant le printemps…, répéta
Falkes qui s’efforçait de suivre. Mais nous venons à peine de commencer à nous
établir…
— Zut* ! le coupa
Philip, balayant son objection avant qu’il ne puisse l’exprimer à voix haute.
Le baron va envoyer ses propres hommes pour exécuter cette tâche. Tu n’auras
qu’à garantir leur sécurité pendant qu’ils travailleront.
— Je vois. » Le
Weitere Kostenlose Bücher