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Romandie

Romandie

Titel: Romandie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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déclara qu’il regagnerait son
hôtel à pied tandis que John Keith, qui devait se rendre au Stock Exchange, faisait
appeler un de ces nouveaux Hansom Cabs, construits depuis 1834 par l’architecte
Joseph A. Hansom. Le succès de ces fiacres était tel que les Américains
les commandaient par douzaines. Au moment de prendre congé de son cicérone, le
Vaudois, qui depuis son arrivée à Londres avait envie de savoir ce qu’étaient
devenus les Moore, y fit allusion.
    — J’ai connu autrefois un membre du White’s, un club de
Saint-James’s Street, lord Christopher Moore, dit Axel.
    Le visage naturellement avenant de John Keith devint soudain
sévère. Un pli amer des lèvres remplaça son sourire.
    — Il me plaît de penser qu’il n’était pas de vos amis, monsieur !
    — Non, une simple relation d’autrefois. Je n’ai d’ailleurs
aucune nouvelle de lui depuis plus de vingt ans, s’empressa d’ajouter le
Vaudois.
    — Mon père m’a dit qu’il n’avait été admis au White’s
que par égard pour la mémoire de son grand-père, un des fondateurs du club. Tous
les clubs de Pall Mail l’avaient éconduit. C’était un unclubable, comme
nous disons. Et sa mort fut aussi scandaleuse que sa vie.
    — Il n’est plus de ce monde ?
    — Non. Et voulez-vous savoir comment il a fini ? Tué
par sa femme, une Selwyn, famille alliée aux Beckford. Il l’avait ruinée et ridiculisée
pendant des années, la pauvre lady. La malheureuse, incarcérée en attendant de
comparaître devant les juges de Old Bailey, s’est pendue dans son cachot. Triste,
très triste fin, monsieur, pour une famille qui a sa place dans l’histoire d’Angleterre,
conclut le banquier en montant dans le cab.
    À la fin de l’après-midi, Axel, atterré par ce qu’il avait
appris, rendit visite à ses parents et aux Ribeyre de Béran. Il trouva les deux
généraux occupés à passer, en pestant, leur grand uniforme, pour se rendre à un
dîner donné par l’ambassadeur de France aux membres de la délégation française
au couronnement de la reine Victoria. Charlotte et Flora, elles aussi à leur
toilette, se montrèrent gaies et excitées comme des débutantes. En revanche, Claude
Ribeyre de Béran et Blaise lui parurent d’humeur sombre.
    — Savez-vous jusqu’où peut aller l’outrecuidance
anglaise, mon garçon ? dit Claude sèchement.
    — Mon Dieu, non, fit Axel, surpris par le ton du
gentilhomme.
    — Chaque année, le 18 juin, a lieu à Londres un
dîner commémoratif de la bataille de Waterloo, que préside, bien entendu, leur
cher duc de Wellington. Jusque-là, rien à redire, hein ! Il est normal que
les Anglais commémorent une telle victoire, qui consomma la perte de Napoléon. Mais
ce qui est moins acceptable, c’est que la reine ait, au cours de ce dîner, fait
parvenir un message au duc, pour qu’à l’issue du banquet il se joigne, avec
tous les convives, au bal qu’elle donnait ce même soir à la Cour ! L’ambassadeur
de France, qui figurait parmi les invités au bal royal, avec d’autres
diplomates, fit savoir, avec raison, qu’il s’abstiendrait d’y paraître, expliqua
Blaise.
    — On lui a fait dire, depuis, que le choix de cette
date était un effet du hasard, qu’il n’avait jamais été question pour la
souveraine de fêter l’anniversaire de Waterloo. On ne peut faire preuve de plus
d’hypocrisie. C’est un comble ! Non contente de nous contrarier, la reine
et ses conseillers se moquent de nous ! Sans nos épouses, nous plierions
bagage et rentrerions chez nous ! renchérit Ribeyre.
    — Et ce n’est pas notre seule contrariété, reprit Blaise.
Un certain Crocker a publié dans la Quarterly Review un article
ridiculisant le maréchal Soult, c’est-à-dire le représentant de Louis-Philippe
au couronnement, précisa le général.
    — Oui. Qu’on estime ou non Soult – et nous n’avons,
Blaise et moi, pas grand respect pour l’homme politique qui renia trois fois l’empereur –
il est tout de même, en ce moment, à Londres, le représentant du roi de France.
Qu’un plumitif le critique en termes malveillants, pour la manière dont il
berna Wellington lors de la bataille de Toulouse, où, combattant une armée
quatre fois plus forte, il se montra fin stratège et guerrier courageux, est d’une
rare indélicatesse, au moment où le maréchal arrive à Londres. N’en déplaise au
polygraphe anglais, c’est grâce à l’habileté manœuvrière de Soult

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