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Romandie

Romandie

Titel: Romandie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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que cette
bataille fut plus une victoire pour les Français en retraite que pour les
coalisés de Wellington [107] .
Le duc ne conquit, au prix d’énormes pertes, qu’une ville vide et narquoise, où
ses hommes, épuisés et déçus, ne trouvèrent ni butin ni canon, précisa Ribeyre.
    — Il faut dire que cet article désobligeant a été blâmé
par de nombreux lecteurs, y compris par le duc, qui aurait demandé à son éditeur
de retarder la publication du douzième volume de ses Dépêches, où il
donne son point de vue sur la bataille de Toulouse [108] , ajouta Blaise.
    Après avoir félicité sa mère et sa marraine dont les
toilettes lui parurent du meilleur goût, Axel prit congé. Ribeyre, croyant
interpréter la mélancolie du fils de Blaise, le raccompagna jusqu’au seuil.
    — Désolé de t’abandonner encore ce soir, mon garçon. Où
dîneras-tu ? As-tu essayé le Cock, 201, Fleet Street ? On y trouve
les meilleurs snipe-kidneys [109] de Londres.
C’est le rendez-vous des gastronomes et des intellectuels… et l’on y rencontre
parfois des ladies esseulées, dit Ribeyre.
    — Méfiez-vous des poétesses faméliques ! Celles d’Albion
sont de la pire espèce, prévint Blaise.
    — Je crois que je dînerai à l’hôtel, tout simplement. Je
dois préparer mon rendez-vous de demain avec les associés de Laviron-Cottier. J’ai
promis de rapporter à Genève des informations sur les chemins de fer et le
commerce avec les Indes, dit Axel.
    Depuis qu’il avait quitté Keith il ne pouvait détacher sa
pensée d’Elizabeth Moore.
    L’image de ce corps superbe, qu’il avait tant caressé, se
balançant au bout d’une corde, dans une prison sordide, l’obsédait. De cette
chair soyeuse, de cette tête fine, de ces lèvres au goût de miel, de ce regard
hypnotiseur, de la frénésie charnelle de la perverse Eliza, il avait longtemps
entretenu un souvenir doux-amer. En infligeant à son ignoble époux une fin
humiliante, puis en se donnant volontairement la mort, Eliza avait fait pleine
justice. Elle retrouvait ainsi l’estime qu’Axel lui eût, la veille encore, refusée.
    S’étant fait servir un oxtail soup et une portion de rice
pudding accompagnés de thé, il s’interrogea longuement sur le sort de Janet.
Fille d’une meurtrière suicidée, qu’était-elle devenue ? Peut-être le
mariage l’avait-il mise à l’abri, avant la fin tragique de ses parents. Les
révélations de John Keith avaient tellement ému Axel qu’il n’avait posé aucune
question. Il ignorait si la fin des Moore était récente ou remontait à dix ou
quinze ans. Bien que la soirée fût avancée, il décida soudain de se rendre dans
le quartier de Mayfair, pour revoir l’hôtel particulier du lord, où il avait
logé en 1817. Il caressait le secret espoir d’obtenir des informations sur le
sort de Janet.
    Il prit un Hansom Cab et se fit conduire à Uxbridge Road, où
il retrouva très aisément Pendle House, la demeure des Moore. Il s’enhardit
jusqu’à passer la grille et, comme il hésitait sur la conduite à tenir, un
portier à favoris roux apparut.
    — Monsieur est attendu ? demanda l’homme en
boutonnant prestement sa jaquette.
    — Je désire un simple renseignement. Cet hôtel est-il
toujours la propriété de la famille de lord Christopher Moore ?
    — Vous êtes de la police ?… ou huissier de justice ?
Il n’y a plus rien à saisir ici…
    Axel l’interrompit d’un geste.
    — Non. Je ne suis qu’un étranger de passage et je viens
seulement d’apprendre la mort de lord Moore. Mais il avait une fille, que j’ai connue,
il y a bien longtemps, et je pensais qu’elle avait pu conserver la demeure de
famille, dit Axel, conciliant.
    Le portier avait remarqué le regard vairon du Vaudois, regard
qui ne lui plut guère. Il se fit persifleur.
    — Pff ! Conserver quoi ? Hein ! Des
dettes, des dettes à n’en plus finir. Il y a des années que durent les procès
des fournisseurs, du personnel, des métayers, mais il n’y a plus un penny… Tout
a été vendu au profit des gros créanciers. Le banquier, lui, a été plus malin, il
a pris la maison… avec tout ce qu’elle contient. Et, croyez-moi, ça n’a pas
suffi à le désintéresser.
    — Et savez-vous ce qu’est devenue miss Moore ?
    — Jamais entendu parler. Moi, je suis arrivé ici il y a
douze ans, avec M. Ludbrocker, le propriétaire. Si vous voulez le voir, sa
banque est dans Nicholas Lane, au 35. C’est tout

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