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Romandie

Romandie

Titel: Romandie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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avec
Elizabeth. « Jusqu’au sang », avait-il écrit en se promettant, dans
la colère du moment, une vengeance cruelle. Or le sang de lord Christopher
Moore avait été répandu par sa femme et cette dernière s’était pendue ! Ainsi,
la vengeance avait été exécutée. Il arracha une à une les pages du cahier noir,
les froissa, craqua une allumette, les enflamma et les jeta dans la cheminée.
« Sans regrets ni rancune désormais », se dit-il en regardant flamber
ces feuillets, instants de sa vie que, lui aussi, voulait oublier. Puis il
relut le message laconique et orgueilleux de Janet et le déposa dans les
flammes, après quoi il s’endormit, absous et rasséréné.
     
    Le 28 juin 1838, le couronnement de Victoria fut vécu
par les Britanniques comme une journée d’enthousiasme monarchique et patriotique.
Dès le milieu de la nuit, des gens s’étaient agglutinés de Green Park à l’abbaye
de Westminster, sur l’itinéraire annoncé du fastueux cortège. Les plus chanceux,
parce que plus fortunés, occupaient des balcons loués à prix d’or [110] , les autres
tentaient d’obtenir une bonne place, les plus agiles juchés dans les arbres, les
plus téméraires penchés au bord des toits. Ayant quitté le palais de Buckingham
à dix heures du matin, dans le carrosse d’apparat des souverains britanniques, la
reine reçut, tout au long du parcours, l’ovation de ses sujets, plébiscite direct
et populaire auquel, chétive dans l’immense voiture, la souveraine parut
prendre plaisir. On avait le sentiment que toute la population de Londres
emplissait Hyde Park Corner, Piccadilly, Saint-James’s Street, Pall Mall, Charing
Cross, Whitehall et les alentours de l’abbaye. Les dieux eux-mêmes se
montrèrent bienveillants. Un ciel lumineux, un soleil radieux, une agréable
tiédeur composèrent le plus beau jour que l’on pût attendre d’un été londonien.
    Les banquiers Glyner et Keith ayant loué deux fenêtres, dont
on avait démonté les châssis pour dégager la vue, Axel put assister confortablement
au défilé, du deuxième étage d’un immeuble de Saint-James’s Street. Il fut
impressionné par cette cavalcade grandiose, suite de carrosses et de landaus tirés
par des chevaux vifs, lustrés, parfois empanachés. Les couleurs des uniformes, l’or
des épaulettes, les bonnets d’ourson des gardes, les manteaux écarlates à col d’hermine
des pairs et pairesses, les cottes de mailles des hérauts d’armes, les lourds
colliers des dignitaires du royaume, les capes de velours des princesses et des
duchesses, les diadèmes et parures de diamants, plus que les armes, étincelaient
au soleil. Quand apparurent les équipages des ambassadeurs extraordinaires, Axel
reconnut tout de suite le maréchal Soult qui, depuis son arrivée à Londres, était
l’objet, d’une manière assez inattendue, de chaleureuses manifestations de
sympathie de la part du peuple. Les citoyens les plus modestes l’entouraient et
l’escortaient dans ses déplacements, et John Keith rapporta que, lors d’une revue
à Hyde Park, les gens s’étaient bousculés pour lui serrer la main et le
congratuler. Le banquier assura que Soult et Wellington avaient fait assaut de
compliments, ce qui laissait finalement bien augurer des futures relations
entre la France et la Grande-Bretagne, le vieux duc jouissant toujours d’une
grande autorité politique.
    Dans la délégation française, dont les voitures suivaient
celle du maréchal, Axel vit, non sans émotion, Charlotte et Flora assises près
de Blaise et Claude, en grand uniforme. La femme du général Fontsalte portait
une robe vert Véronèse, une grande capeline blanche ornée d’un flot de rubans
du ton de sa robe. Le visage de Flora, en bleu Nattier, disparaissait sous un
immense chapeau de paille noire, paré de rubans assortis à sa toilette. Toutes
deux rayonnaient de plaisir et Axel imagina que ce jour resterait, pour ces
femmes, un souvenir inaltérable. Il fut reconnaissant à Blaise d’avoir offert à
sa mère ce moment de bonheur teinté de vanité et, pour lui, un peu factice.
    — C’est maintenant que vos parents, les dames surtout, vont
souffrir, plaisanta John Keith.
    — Souffrir ? reprit Axel.
    — On peut parler ainsi, car la cérémonie à Westminster
va durer jusqu’à quatre heures de l’après-midi. Il est à parier que plusieurs
dames tomberont en faiblesse avant que la reine ne soit ointe des saintes
huiles, coiffée de la

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