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Romandie

Romandie

Titel: Romandie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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à ses réflexions, se
résolut comme pour compenser ce désintérêt des autres, à faire porter un
message et l’adresse de son hôtel à miss Pendle. Le chasseur reçut pour
consigne de rapporter la réponse de l’artiste. Celle-ci fut, un quart d’heure
plus tard, aussi décevante qu’irritante pour l’amour-propre du Vaudois.
    — Miss Pendle a dit qu’elle n’a aucun souvenir de vous
avoir jamais rencontré, milord, et qu’elle n’accorde pas de rendez-vous aux
inconnus.
    Axel régla l’addition et quitta l’établissement, sans savoir
s’il était déçu, agacé, humilié ou soulagé. « Je ne dois pas voir de
dédain dans ce refus : miss Pendle veut oublier qu’une certaine Janet
Moore a existé », se dit-il dans le cab qui le ramenait sur le Strand.
    Le tumulte de ses pensées lui ayant ôté l’envie de dormir, il
fit une station prolongée au bar de l’hôtel, encore plein, à cette heure
tardive, de propriétaires du Yorkshire, d’industriels de Sheffield ou de
Manchester, de hobereaux de Cornouaille, d’armateurs de Liverpool, souvent élus
des comtés lointains, venus assister aux cérémonies du couronnement. Pour la
première fois, les membres de la Chambre des communes figureraient parmi les
invités officiels et cette innovation constituait pour ces gens, francs buveurs
de whisky et de stout, un progrès démocratique dont ils étaient reconnaissants
à lord Melbourne. Sirotant un vieux porto et tirant sur sa pipe, Axel ne resta
pas longtemps seul. Des gentlemen ne pouvaient, en une telle période de réjouissance,
laisser un voyageur étranger se morfondre tête à tête avec son verre ! Invité
à se joindre au groupe, Axel fut acclamé quand il révéla sa nationalité suisse.
Le citoyen d’un pays démocratique, neutre et accueillant aux persécutés
politiques, qui avait fait un long voyage pour rendre hommage à la plus jeune
reine d’Europe, méritait bien qu’on lui offrît un whisky. Invité à boire à la
santé de la reine, à la grandeur et à la prospérité du royaume, et à un certain
nombre d’autres entités britanniques, dont l’intérêt lui échappa, Axel s’amusa
du spectacle offert par ces hommes, persuadés d’appartenir au plus grand pays
du monde, à celui qui avait réussi à débarrasser l’Europe de l’ogre Napoléon. Quelqu’un
ayant proposé un toast au duc de Wellington, le héros de Waterloo, un Gallois
raconta que le défunt roi Guillaume IV, sentant au mois de juin 1837
sa fin prochaine, avait supplié son médecin de le maintenir en vie jusqu’au 18,
anniversaire de la bataille de Waterloo.
    — Eh bien ! il fut satisfait. Le roi mourut le 20 juin,
conclut le conteur en levant son verre à la mémoire d’un souverain peu respecté
qui, au dire de certains, crachait sur le plancher où qu’il se trouvât, mangeait
comme quatre et buvait comme un Polonais.
    En regagnant sa chambre, Axel trouva une enveloppe qu’on
avait glissée sous sa porte. C’était un message de Janet. Il ne comportait qu’une
phrase, rédigée d’une écriture ferme et élégante, mais aucune formule d’introduction
ni de politesse.
    « Je sais maintenant que je puis vous pardonner. Adieu. »
Le billet était signé : Lady Janet.
    Un peu abasourdi, Axel ralluma sa pipe et s’assit, pensif, devant
la cheminée où s’élevait, décor en attente de froidure, un échafaudage de
bûches.
    La fille d’Eliza lui apparaissait maintenant pour ce qu’elle
avait toujours été : un pur produit de l’éducation britannique des hautes
classes. Comme tant d’autres femmes de sa génération et de son milieu, elle
cachait, sous une apparente fragilité, une force de caractère peu commune, une
disposition morale originale, allant de la pudibonderie hypocrite à la faculté
d’assumer, avec une dignité forcée, toutes les disgrâces, sans rien perdre de
la superbe aristocratique qui la distinguait des déchus de basse extraction et
des gens ordinaires. Et cela, dans le cas de Janet, allait jusqu’à une
fallacieuse aisance qui, aux yeux d’Axel, relevait du pur héroïsme.
    Avant de se coucher, il tira de son bagage le Registre
des Rancunes, ce cahier noir dont il ne se séparait jamais, non qu’il eût encore
envie d’y inscrire les manquements des autres à son égard, mais parce qu’il
craignait de le voir tomber sous des regards indiscrets. Il relut ce qu’il y
avait porté en 1817, au moment du drame de Pendlemoore et de la rupture

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