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Romandie

Romandie

Titel: Romandie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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petite barque détachée du ponton, qui s’éloignait,
glissant sur un champ d’étoiles, reflet du ciel de juillet.
    — Il est parfois étrange, murmura-t-elle, sans
comprendre.
    Cette nuit-là, Axel Métaz décida de se mettre, dès le
lendemain, à la recherche de Marthe Bovey.
    Il consacra d’abord deux jours à ses vignes. Il vérifia le
drainage, exigea de Fornaz qu’il approfondît les coulisses jusqu’à trouver l’humidité
et lui fit préparer une potion au vitriol vert, qu’on utiliserait pour arroser
le pied des ceps en cas d’apparition du pourridié. Régis Valeyres, l’intendant,
le chef du chantier aux barques et tous ceux qui approchèrent M. Métaz les
jours suivant son retour d’Angleterre, trouvèrent le maître de Rive-Reine peu
souriant, encore moins loquace que d’habitude. Louis Vuippens ne fit qu’entrevoir
son ami, entre deux visites à ses malades.
    Marthe Bovey avait laissé entendre, lors de leur brève
rencontre a Nyon, qu’elle prendrait, en août, les eaux d’Yverdon. Sous prétexte
d’affaires à conclure avec des marchands de vins et des hôteliers de la station,
redevenue à la mode depuis la rénovation complète de l’établissement de bains,
M. Métaz annonça à sa femme et à ses collaborateurs qu’il s’absentait
quelques jours. Il fit, un matin, atteler son cabriolet de laque aubergine, legs
d’Adriana, et prit seul la route du lac de Neuchâtel. Il dormit, la première
nuit, à Échallens et quitta la ville dès l’aube, pour atteindre Yverdon au
crépuscule. Située à l’extrémité sud du lac de Neuchâtel, cette belle cité de
trois mille habitants, arrosée par la Thièle, devait autant sa réputation à ses
sources bienfaisantes, autrefois captées par les Romains, qu’à l’illustre
pédagogue Henri Pestalozzi, mort depuis onze ans, mais dont l’héritage
intellectuel et moral ainsi que la méthode élémentaire d’éducation continuaient
à inspirer de nombreux maîtres d’école à travers l’Europe. De 1805 à 1825, le
château médiéval, construit en 1135 par Conrad de Zaehringen, avait abrité le
fameux institut Pestalozzi, où se trouvèrent rassemblés, certaines années, plus
de cent trente élèves, venus de Suisse, d’Allemagne, de France, d’Italie, d’Espagne,
de Russie et, même, des États-Unis.
    Installé à l’hôtel de Londres, Axel Métaz se renseigna sur
le mode de vie des curistes et apprit qu’on les rencontrait, se rendant aux
bains, dès les premières heures de la matinée, alors qu’entre onze heures et
midi, et l’après-midi, à partir de quatre heures, les dames et les messieurs, faisant
assaut d’élégance, se promenaient en devisant dans le beau parc thermal, à
moins qu’ils ne préfèrent marcher un quart d’heure pour atteindre les rives du
lac et son superbe point de vue.
    Se fier au seul hasard pour organiser une rencontre avec une
femme est optimisme de poète. Axel, pratique et déterminé, préféra se rendre à
l’hôtel des Bains, où logeaient la plupart des curistes aisés, notamment les
femmes seules, qui avaient moins besoin d’immersions dans l’eau sulfureuse à
vingt-quatre degrés que de distractions. On accordait, en général, aux stations
thermales un large crédit pour leur discrétion concernant les échanges amoureux,
le plus souvent adultérins. Axel n’ignorait pas que sa mère, alors épouse de
Guillaume Métaz, et Blaise de Fontsalte s’étaient, autrefois, donné rendez-vous
aux bains de Loèche, où Chantenoz les avait surpris. Ce souvenir stimulait sa
démarche et endormait ses derniers scrupules. Le concierge de l’hôtel des Bains
lui ayant appris que M me  Bovey était « aux soins », Axel
rédigea un message. Il proposait à la belle rousse de partager avec lui, ce
jour, le repas de midi ou celui du soir dans le meilleur restaurant de la ville,
situé place du Château. Il attendrait la réponse à l’hôtel de Londres.
    Le message vint dans l’après-midi, alors qu’il commençait à
se morfondre. M me  Bovey acceptait l’aimable invitation de M. Métaz
de Fontsalte. Elle l’attendrait, à six heures, dans le hall de son hôtel.
    Cette acceptation réjouit le Vaudois. Le premier pas étant
franchi, il se promit d’avancer avec circonspection mais sans dissimuler qu’il
n’avait pas l’intention de jouer les amoureux transis bien longtemps. Il fit
néanmoins un effort de toilette, arborant pour la circonstance un complet de
cheviotte grise,

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