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Romandie

Romandie

Titel: Romandie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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acquis à Londres, chez un faiseur de Savile Row. Chemise
blanche et cravate floue de soie gris clair, bottines de chevreau, à empeignes
de toile du même ton que la cravate, lui composèrent une tenue, peut-être un
peu sévère mais distinguée. Le miroir lui renvoya l’image d’un homme mûr de
haute taille, large carrure, hanches étroites, cheveux bruns aux ondulations
naturelles, dans laquelle sa mère eût reconnu avec émotion le portrait en pied
de Blaise de Fontsalte au même âge. Seule coquetterie pour un premier
rendez-vous, Axel prit soin, en se rasant, de réduire ses favoris niellés de
fils blancs. Plutôt que faire appeler un des landaus dont usaient curistes et
touristes pour leurs promenades, il fit atteler son cabriolet, l’hôtel des
Bains étant assez éloigné du centre de la ville. À peine avait-il mis pied à
terre, devant le perron de l’hôtel, que M me  Bovey s’avança, comme
si elle ne souhaitait pas que leur rencontre eût lieu dans le hall, devant des
gens qu’elle devait côtoyer chaque jour.
    Ce n’est qu’au restaurant, quand elle ôta le léger mantelet
qui lui couvrait les épaules, qu’Axel put détailler la toilette de son invite, une
robe mauve moulante, au décolleté profond, clos par une berthe de dentelle
blanche qui ombrait, d’un friselis captieux, les dômes blancs des seins. Les
manches étroites de mousseline blanche mettaient en valeur des bras superbes. Comme
Axel portait les yeux sur la toison rousse, volumineuse et bouclée de Marthe, la
jeune femme le pria d’oublier sa coiffure, l’humidité des bains la rendant
encore plus indisciplinée que d’habitude. Dès qu’ils eurent passé commande, M me  Bovey
invita Métaz à raconter son voyage en Angleterre et le couronnement de Victoria.
Axel se contenta d’émettre quelques vagues considérations sur l’atmosphère de
Londres pendant ces journées de fête.
    — Quant au couronnement de la reine, à Westminster, ma
mère, mieux que moi, pourra vous faire rapport d’un événement que je n’ai pas, personnellement,
vécu. Elle a l’intention de donner prochainement une conférence sur le sujet au
cercle des Dames de Lausanne. Je la prierai de vous envoyer un carton.
    Après un échange de banalités, sur les bienfaits supposés de
la cure thermale dont M me  Bovey attendait qu’elle la protégeât
d’un catarrhe hivernal, sur le charme d’Yverdon et les grands mérites d’Henri
Pestalozzi – la curiste avait visité sa bibliothèque –, Axel se
résolut à une approche plus personnelle. Fixant avec insistance de son regard
vairon les yeux pers de Marthe, il livra un premier assaut.
    — Sachez, madame, que je ne suis pas venu à Yverdon
pour parler de l’Angleterre mais pour vous voir, dit-il en lui prenant la main
qu’elle avait posée sur la table.
    La jeune femme, sans brusquerie, se dégagea, puis, après un
rapide coup d’œil circulaire qui l’assura de l’indifférence des autres dîneurs,
elle glissa, timide, ses doigts sous ceux d’Axel et sourit.
    — Ainsi, monsieur, alors que nous nous connaissons à
peine, vous me portez assez d’intérêt pour faire le voyage d’Yverdon ?
    — Le mot intérêt est impropre et ne saurait définir l’attirance
que je ressens pour votre personne, depuis le jour où je vous ai aperçue au
cours de M. Sainte-Beuve, l’hiver dernier, dit-il en lui caressant le bout
des doigts.
    Le service interrompit un instant ce badinage. Quand la
servante se fut éloignée, Marthe, coudes sur la table et mains jointes sous le
menton, posa sur Axel un regard à la fois tendre et réprobateur.
    — Votre poursuite n’est pas très charitable. Je suis
veuve, je suis seule et vous êtes en puissance d’épouse et père de famille…
    — D’une certaine façon, que vous entendrez sans m’obliger
à vous en dire davantage, je suis, madame, aussi veuf que vous ! coupa
Axel d’une voix grave.
    — Dois-je comprendre, monsieur, que vous n’aimez plus
votre femme ?
    — Disons qu’au sens charnel du terme, mon épouse n’est
plus… aimable, qu’elle s’en accommode très bien, ce qui n’est pas mon cas, madame.
    M me  Bovey, déroutée par cette franchise
brutale, presque grossière, en tout cas stupéfiante chez un homme de l’éducation
de M. Métaz, s’adossa à sa chaise, comme pour s’éloigner d’une menace.
    — En somme, ce que vous cherchez, c’est une suppléante,
qui assume le devoir conjugal qu’une malheureuse

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