Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Romandie

Romandie

Titel: Romandie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
Vom Netzwerk:
l’avait couché, raide mort, sur le pavé de la place Fraumünster. Un
nouveau Conseil d’État, comportant une majorité de conservateurs, venait d’être
élu et reconnu, non sans quelques réticences, par la Diète fédérale.
    — Il fallait bien s’attendre qu’un jour ou l’autre l’outrecuidance
des radicaux laïcisants suscitât une saine réaction des fidèles, dit Élise.
    M me  Métaz savait par son père, membre
éminent du consistoire bernois, combien certains radicaux des cantons, dits
régénérés, s’employaient à rogner le pouvoir que les pasteurs exerçaient encore
dans l’instruction publique.
    Elle fut, pour une fois, unanimement approuvée.
     
    Comme chaque année, les vendanges supplantèrent bientôt
toute autre préoccupation et l’automne s’acheva dans l’effervescence du négoce.
Vevey, sitôt le raisin pressé et le vin nouveau mis en cuves, connaissait l’afflux
des acheteurs, qui allaient, de cave en cave, déguster les crus de l’année
précédente avant de passer commande. C’était aussi la saison où les producteurs
de fromage de la Gruyère, les fruitiers, ainsi qu’on nommait les maîtres fromagers,
empilaient les meules en tonneaux sur la place du Marché, avant de les confier
aux barques des Métaz et autres armateurs lacustres, qui les transporteraient à
Lausanne, Morges, Nyon, mais aussi en Savoie, d’où elles partiraient pour l’Italie.
La plupart des cargaisons étaient destinées à Genève, d’où les fromages
seraient expédiés vers Lyon, Paris, Marseille, même l’Angleterre et, disait-on
depuis peu, vers les États-Unis. Chaque année, des milliers de meules de
gruyère à la croûte grenue, ocrée comme vieux parchemin, que les Gruériens
appelaient morge, transitaient par Vevey. Les vieux bacounis citaient encore l’année
1804, au cours de laquelle ils avaient convoyé, à partir de Vevey, vingt-deux
mille quintaux de fromage de la Gruyère [130] .
    Les fabricants de chocolat et de biscuits, comme tous ceux
qui disposaient de produits négociables, profitaient de cette animation
commerciale qui, de marchés en foires, se prolongeait parfois jusqu’aux fêtes
de fin d’année. Les vignerons dont les vins étaient connus et appréciés
recevaient les acheteurs, marchands de vin en gros, hôteliers, restaurateurs, venus
parfois de lointains cantons dépourvus de vignobles. Pendant cette période,
Élise, parfaite maîtresse de maison, présidait avec grâce les dîners que son
mari donnait à Rive-Reine, en l’honneur d’importants clients venus de Lucerne, de
Fribourg ou de Genève, car bon nombre de grossistes livraient aux hôteliers et
taverniers les vins vaudois, souvent plus prisés des consommateurs que les
cépages genevois qui, malgré leurs jolis noms – Folle blanche, Roussette, Mondeuse,
Salvagnin ou Clairette –, surprenaient le palais par une légère acidité, autrefois
dénoncée par lord Byron.
    Aussi, quand cessaient les visites et que le vin d’un an
était, tout ou partie, vendu, on était bien aise, chez les vignerons, de passer
douillettement les journées froides de décembre en attendant les réjouissances
de Noël.
    Pour le cercle des Fontsalte, qui englobait depuis toujours
les Chantenoz, Vuippens, les Ribeyre de Béran et, depuis moins longtemps, les
Laviron, parents adoptifs d’Alexandra, le dîner du 1 er  janvier
constituait une réunion familiale chaleureuse. Charlotte n’ayant pas eu de
nouveau malaise au cours des mois écoulés, c’est à Beauregard que l’on se
réunit pour célébrer l’avènement de l’an 1840 et échanger les cadeaux
traditionnels.
    Au cours de ces agapes familiales, dans lesquelles Axel
Métaz voyait, sans oser le dire, une manifestation formelle et routinière, on
évoqua l’heureuse issue de la Révolution de septembre à Zurich et le complot
récemment déjoué dans le Tessin.
    — Les carbonari font encore parler d’eux. On les
croyait cependant tous expulsés, observa Flora.
    — Vous voyez bien qu’il n’en est rien et celui que l’on
vient d’arrêter dans le Tessin, le Lombard Ciani, est un redoutable terroriste,
dit Élise.
    — D’après ce qu’a rapporté en novembre la Gazette de
Lausanne, ce Ciani, naturalisé tessinois, avait formé le projet d’enrôler
un certain nombre de jeunes égarés et de marcher avec eux contre Locarno, siège
du gouvernement. Mais, comme souvent, ces apprentis sorciers furent trahis par
un des leurs et les autorités,

Weitere Kostenlose Bücher